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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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sur ces entrefaites que Grivel et ses comparses s’étaient évadés et avaient trouvé refuge au fort Santa Catalina.
     
    Chaque jour, j’avais grâce à Murel des nouvelles d’Édith et de la situation sur la  Vieille-Castille . Notre compagne attendait mon retour avec l’impatience que l’on devine, mais son état de santé ne donnait pas lieu à s’alarmer.
    En revanche, j’avais toute latitude pour m’inquiéter du sort réservé aux prisonniers de notre ponton par les autorités espagnoles, exacerbées par une évasion humiliante pour elles et qui risquait de se répéter. Il n’y eut pas de représailles sanglantes, mais un régime plus strict et une discipline resserrée sur tous les pontons, l’exploit n’ayant pas échappé aux prisonniers encouragés par la proximité de notre armée, qui occupait le fort du Trocadéro, à portée de canon à la fois de la ville et de nos prisons.
    Un matin, après avoir constaté qu’un fort vent soufflait de la terre, des prisonniers de l’Argonaute, un ponton voisin du nôtre, avaient décidé à leur tour de tenter leur chance. Ils avaient désarmé le sergent et les gardiens et les avaient jetés dans une cale, avant de passer à l’acte.
    Leur ponton se trouvait à portée de voix du nôtre. La veille, parfaitement guéri, j’avais retrouvé la  Vieille-Castille . Pour l’heure, accoudé au bastingage, je remarquai avec stupeur que l’ Argonaute , poussé par le vent et ses haussières larguées, était en train de dériver lentement, non vers le large mais vers la côte. Des exclamations, « Vive l’Empereur ! Vive la liberté ! », accompagnaient son mouvement. Je n’en croyais pas mes yeux ni mes oreilles.
    La fête n’allait pas tarder à tourner à la bataille.
    Dans les minutes qui suivirent la rupture des câbles, des chaloupes, chacune dotée d’un canon, se détachèrent des unités anglaises pour se lancer à la poursuite des fugitifs. Une grêle de mitraille s’abattit sur le navire sans parvenir à ralentir sa marche. Armés des fusils arrachés aux gardiens, les prisonniers ripostèrent, déversant, sur les chaloupes qui s’approchaient trop près, des pierres de lest, des morceaux de ferraille et tout ce qui leur tombait sous la main outre les balles.
    Ce combat inégal dura environ un quart d’heure, faisant des victimes de part et d’autre, quand un des navires anglais se décida à faire donner le canon. En quelques minutes, le sort de l’ Argonaute  ne faisait plus aucun doute.
    Chaque boulet rouge crevait la coque ou balayait le pont d’une traînée de feu. Des prisonniers se jetaient à la mer et d’autres, qui avaient tenté de s’échapper sur des esquifs de fortune, furent réduits en charpie.
    Les Français qui occupaient le fort Santa Catalina, lents à réagir, ne purent que recueillir les quelques rescapés qui, nageant éperdument, avaient réussi à s’éloigner du lieu de la tuerie.
    Figés de terreur, nous ne pûmes qu’assister, impuissants, aux représailles. Le feu ayant pris sur le ponton, des centaines de survivants réfugiés dans les cales, hommes et femmes, furent tués au fur et à mesure qu’ils en sortaient pour échapper aux flammes, alors que la poupe du navire venait de s’engraver sur le rivage.
    J’appris par Auguste Murel le sort que connurent les rares prisonniers recueillis par les Français. Ces squelettes vêtus de haillons se ruèrent avec une telle voracité sur le repas qui les attendait au fort Santa Catalina que quelques-uns en moururent.
    Certains prisonniers de Baylen, ayant échappé au régime des pontons de Cadix, avaient été embarqués à bord de navires anglais, non pour être conduits dans un port français comme le stipulait le traité de capitulation, mais pour être jetés sur d’autres pontons, à Plymouth, Portsmouth ou Chatham. Malgré la sévérité de leurs sbires, ils allaient y connaître des conditions de détention plus souples que les nôtres. Certains même, sur parole, pouvaient sortir en ville, boire du whisky et de l’ale dans les cafés et fumer des cigares de la Jamaïque. C’étaient pour la plupart, à ce qu’on m’a confié, des francs-maçons qui avaient conservé les insignes de leur confrérie.
    N’ayant pas eu la chance d’emprunter un de ces navires, je nourrissais comme un mal incurable l’impression d’être condamné à rester à bord

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