Les proies de l'officier
l’obscurité. Il avait jeté son fusil déchargé et épaulait Fimiento avec l’arme du sergent Andogio. Ce dernier gisait à ses pieds. Les deux coups de feu retentirent presque simultanément. La balle de Fimiento vint s’écraser contre le pan de mur derrière lequel s’était posté son adversaire. Fimiento s’effondra aussitôt après. Le tireur lâcha son second fusil et prit la fuite à son tour. Il traversa la rue à toute vitesse et s’engagea à travers un champ de décombres. Saber, voyant que le fugitif ne répondait pas à ses sommations, fit feu avec son pistolet. Dalero l’imita. Les deux balles ne frôlèrent même pas leur cible. Lefine contourna la maison et se précipita sur Margont. Celui-ci était assis. Sa capote était trouée au niveau du poumon droit.
— Ça va, je n’ai rien, regarde.
Il ouvrit son vêtement. Il portait le plastron d’un cuirassier. La pièce de métal était suffisamment épaisse pour arrêter les balles et sa forme en gorge de pigeon déviait les projectiles.
— J’ai emprunté ça à un ami. Je ne suis pas blessé. C’est la surprise qui m’a fait tomber. Et la peur, aussi. Pourquoi est-ce que personne n’a repéré ce tireur ?
— Nous étions trop occupés à observer l’autre, répondit Lefine. Celui-là, il a réussi une belle diversion. Margont se releva. Il contemplait le trou dans le tissu.
— Sacré coup...
Dalero et Saber s’étaient engagés à leur tour dans les décombres. Derrière eux, des lueurs et des visages apparaissaient aux fenêtres et une sentinelle avait jailli d’un porche.
— Qui va là ? hurla-t-elle.
— Amis ! France ! lui répondit Saber pour éviter de recevoir une balle entre les omoplates.
Il y avait des empilements de gravats qui s’effondraient parfois quand on posait le pied dessus, des pans de murs derrière lesquels quelqu’un pouvait bondir sur vous par surprise, des zones d’ombre susceptibles de dissimuler un tireur... Dalero et Saber, le sabre à la main, se pressaient avec prudence. Saber aperçut le fuyard qui disparut derrière un monticule d’éboulis.
— Par là ! s’exclama-t-il en le désignant de la pointe de sa lame.
Il voulut s’élancer, mais un parquet calciné céda sous son pied et il s’étala dans la cendre. Dalero prit un peu d’avance sur lui. Lorsque Saber le rejoignit, ce fut pour s’entendre dire que l’homme avait disparu.
Dans la direction opposée, Fanselin poursuivait toujours celui qu’il avait pris en chasse. Piquebois, lui, s’était arrêté pour prendre appui contre un mur. Il ne s’était pas encore pleinement remis de sa commotion à la Moskowa. La silhouette se retourna en pointant un pistolet. Fanselin rentra machinalement la tête dans les épaules et se courba. Le tireur ne ralentit cependant pas l’allure et sa balle passa loin du lancier. Fanselin avait constaté à quel point le fugitif jouissait d’une excellente forme physique. Il courait très vite, et ce, depuis un moment déjà. Sentant que si tout se jouait à l’endurance, il aurait le dessous, Fanselin décida d’utiliser la ruse. Quand l’homme tourna dans une rue, lui-même s’engouffra dans une rue parallèle. Il le perdit alors de vue, mais il continuait à entendre ses pas. Fanselin essayait de faire le moins de bruit possible, quitte à ralentir. Il faillit se faire semer, mais rattrapa son retard en coupant à travers des décombres. Le fugitif se retourna plusieurs fois et, ne voyant personne, pensa s’être tiré d’affaire. Il bifurqua et disparut dans une ruelle. Fanselin crut qu’il allait le perdre définitivement, mais il l’aperçut à nouveau, séparé de lui par une étendue de maisons délabrées. L’homme s’était mis à marcher pour reprendre son souffle. Il erra un moment dans les rues, jetant souvent un regard derrière son épaule. Fanselin se contentait toujours de le suivre parallèlement, ne se guidant qu’à l’ouïe. L’homme, enfin rassuré, finit par se rendre à un superbe palais dont plusieurs fenêtres étaient éclairées, même à cette heure tardive. Les deux sentinelles qui gardaient la grille ceinturant le jardin lui présentèrent les armes. Il ne leur adressa pas un regard et s’engagea dans l’allée. Fanselin se rapprocha discrètement et appliqua son visage contre les barreaux glacés. Il reconnut le colonel Barguelot.
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Margont examinait le cadavre du sergent Andogio. L’assassin lui avait tranché la
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