Les proies de l'officier
qu’il lui était interdit de les révéler.
— Si certains d’entre vous veulent se retirer, je le comprendrai, ajouta-t-il.
— Tu peux compter sur moi, répliqua immédiatement Piquebois.
Fanselin hocha la tête. Saber accepta à contrecoeur. Il ne voulait pas avoir la réputation d’être un « lâcheur », car il n’y avait rien de pire pour tuer dans l’oeuf toutes les promotions à venir.
— Donc il nous faut des aveux, reprit Margont. Si jamais vous me voyez lever le bras : venez à mon secours. Cela signifiera que je suis en danger ou qu’il en a dit assez pour que l’on puisse l’arrêter.
— Et s’il ne parle pas ? demanda Dalero.
— Je le laisserai partir. Nous discuterons ensuite de ce qu’il convient de faire.
Ce dernier point dépendrait surtout de l’avis du prince Eugène.
— Vous allez vous disposer en cercle autour de moi. Ainsi, pour me rejoindre, notre homme pénétrera dans ce cercle sans le savoir. Il n’aura aucune retraite possible. Piquebois se postera dans la maison voisine à ma droite, le sergent Fimiento, dans celle située à ma gauche. Lefine se cachera dans le jardin pour assurer mes arrières. Fanselin et Saber seront dans la rue qui débouche en face de la maison. Le capitaine Dalero et le sergent Andogio se placeront à l’extrémité gauche de notre rue, à l’endroit où celle-ci est coupée par le carrefour. Le capitaine Dalero sera du même côté que moi et le sergent Andogio, en face, caché dans les ruines contiguës à l’immeuble dans lequel loge le bataillon du 48 e .
— Il y a plus d’hommes sur la gauche, fit remarquer Dalero.
— C’est exact. Parce qu’il est plus facile de s’y cacher : les bâtiments sont mieux conservés. Mais vous m’avez dit que les sergents Fimiento et Andogio étaient d’excellents tireurs.
Fimiento sourit sans que l’on sache si c’était pour accueillir ce compliment ou parce qu’il se remémorait quelques tirs particulièrement bien ajustés.
— Je les ai placés à des points clés. Le sergent Fimiento peut prendre toute notre rue dans sa ligne de mire comme celle qui débouche en face de cette maison. Le sergent Andogio, lui, couvre à la fois notre rue et le carrefour. Des questions ?
— On va passer plus de vingt-quatre heures cachés derrière des restes de murs qui risquent de s’écrouler et sans faire de feu – donc en se gelant toute la nuit et en mangeant froid –, c’est bien ça ? demanda Lefine.
— Absolument. D’autres questions ? Alors souhaitons-nous bonne chance.
28.
L’attente avait été longue. Enfin, l’heure du rendez-vous était arrivée et Margont faisait les cent pas sur le perron. Il contemplait les alentours en exhalant de la buée. Il plongea les mains dans les poches de sa capote grise. Ses doigts caressèrent la crosse de ses pistolets. Il avait également pris son épée et un couteau. Il sourit en se disant qu’il n’avait pas été aussi armé en se lançant à l’assaut de la Grande Redoute. Il essayait de deviner lequel des quatre visages se trouverait face à lui. Il se demandait également si l’homme répondrait à ses questions. Et si oui, est-ce que ce ne serait pas pour endormir sa méfiance avant de tenter de le supprimer ?
Au bout d’un temps qui lui parut à la fois bref et particulièrement long, il aperçut une silhouette. Son coeur s’accéléra. Ce passant était seul. Il venait sur sa droite, du côté de Piquebois et de Fanselin. Il marchait lentement. Lui aussi portait une capote dans les poches de laquelle il avait plongé les mains.
Peu à peu, la distance diminua. L’inconnu avait relevé son col et portait un bonnet, si bien que l’on ne pouvait pas encore distinguer son visage. Lorsqu’il fut à une centaine de pas, il s’arrêta. Il regardait Margont. Soudain, une détonation retentit. Margont fut touché en pleine poitrine et tomba. L’inconnu fit demi-tour et se mit à courir. Le coup de feu avait été tiré depuis l’angle du carrefour, là où était posté le sergent Andogio. Piquebois jaillit le premier hors de sa cachette.
— Ils sont deux, hurla-t-il. Fanselin, avec moi !
Et il s’élança à la poursuite de la silhouette qui se trouvait encore loin du cercle qui aurait dû la piéger. Fanselin fit irruption un pistolet à la main et rejoignit Piquebois au pas de course. Dalero et Saber se ruèrent vers le tireur que Fimiento mettait déjà en joue. L’homme était tapi dans
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