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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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un médecin.
    N’importe quel boucher, n’importe quel fermier sait qu’on tue une bête rapidement et sans trop la faire souffrir en lui tranchant la carotide. Et puis, bien des soldats ont une expérience du corps à corps et connaissent quelques points vitaux. Un bon hussard français en sait aussi long là-dessus que bien des praticiens. Notre ami Piquebois te confirmera cela, crois-moi.
    — Quelle arme a-t-il utilisée ?
    — Un couteau doté d’une lame d’environ...
    Brémond plongea sa pince dans quelques plaies.
    — Une douzaine de centimètres. Vu la violence des coups et ces hématomes périorificiels, je pense qu’il enfonçait la lame jusqu’à la garde. Il s’agit donc d’un petit couteau à lame droite. L’assassin est droitier. Tu as vu le visage ?
    Margont détailla les traits de la Polonaise et réprima un haut-le-coeur. Les paupières avaient été détruites par le feu ou peut-être coupées. Maria Dorlovna paraissait le contempler de ses yeux écarquillés. Les globes oculaires avaient été abîmés avec la flamme d’une bougie, si bien que son regard trouble maculé de traces noires semblait pleurer des larmes de cire. La bouche, elle, était déformée par une grimace. Margont était médusé tandis que Brémond poursuivait son analyse méthodique, examinant les membres, les palpant, les soupesant, mesurant les dimensions des lésions... Toutefois, un fin tremblement agitait les mains du médecin-major et rendait parfois ses gestes imprécis.
    — Les brûlures ainsi que plusieurs plaies ont été infligées après le décès. Il a utilisé une bougie pour lui brûler les yeux, les seins et la peau par endroits. Je crois qu’il était nettement plus calme à ce moment-là que lorsqu’il a porté les premiers coups, car ces destructions sont plus réfléchies : elles sont symétriques, effectuées avec moins de violence...
    — Pourtant, il avait bien dû s’apercevoir qu’elle était morte !
    — Certainement, mais cela ne l’a pas arrêté. Donc outre faire souffrir sa victime, mutiler l’amusait aussi beaucoup.
    — Peut-être pensait-il également au choc que ressentiraient ceux qui découvriraient ce corps dans un tel état. Si tel est le cas, il a parfaitement réussi son coup avec moi.
    — Ne te rabaisse pas, Quentin. Je te connais bien. « Le roseau plie, mais ne rompt point. »
    Enfin, le médecin-major examina l’entrejambe.
    — Il n’y a pas eu de rapport sexuel. Voilà tout ce que je peux te dire. On pourrait réaliser une autopsie, mais je ne suis pas sûr que celle-ci nous en apprendrait plus. De toute façon, je n’ai pas le temps de la pratiquer. Tu comprends bien que j’ai fort à faire à aménager nos hôpitaux temporaires, à former des aides sur le tas...
    — Bien sûr.
    — Somme toute, il n’y a qu’un élément qui m’intrigue.
    Le médecin saisit la main droite. Des taches noires parsemaient les dernières phalanges du majeur, du pouce et de l’index.
    — C’est de l’encre.
    — Elle avait dû écrire une lettre récemment, suggéra Margont.
    Il se ravisa aussitôt.
    — Pas une lettre isolée, mais toute une série. Pourtant, elle n’avait pas de famille.
    — Elle travaillait dans une auberge m’as-tu dit. Peut-être tenait-elle un registre des comptes...
    — Celui qui l’employait m’a raconté qu’elle aidait au service, qu’elle faisait le ménage... Il n’a jamais été question de registres.
    Les deux hommes replacèrent le couvercle du cercueil.
    — Bonne chance, Quentin. Et ne t’expose pas inutilement.
    Margont acquiesça. C’était la phrase rituelle de Jean-Quenin, son conseil pour ses amis avant chaque campagne. Et en temps de paix, c’était : « Mange moins et moins vite », « Fais plus d’exercice », « Ne lis pas la nuit à la mauvaise lueur des bougies »...
    — Toi de même, Jean-Quenin. Et encore merci.
    Margont aida à enfouir à nouveau le cercueil et descendit seul la colline du cimetière, essayant de se changer les idées. Mais chaque bosse, chaque renflement de terrain sur lequel il posait le pied lui faisait penser à une tombe qu’il souillait en la foulant.

 
    7.
    Sur le chemin du retour, Margont repensa à sa vie. Cela lui arrivait souvent au début d’une campagne. Son passé lui faisait penser à la pâte d’un boulanger que trop de mains auraient pétrie, chacune suivant son idée sans tenir compte de celles des autres quant à la forme à donner à ce

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