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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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Lefine en le rejoignant. Quoi qu’il en soit, le moral de la compagnie est bon. Pour l’instant...
    — Fernand, j’ai bien réfléchi à ce nom d’« Acosavan ».
    Lefine cligna des yeux.
    — Ah, c’est vraiment le moment, pour sûr ! Vraiment !
    — À force d’y penser, je me suis rendu compte qu’« Acosavan » était l’anagramme de « Casanova ». Ça n’est peut-être qu’une coïncidence. Mais si ça n’en est pas une, on peut dire que cet homme possède un sens de l’humour particulièrement ironique. Il jurait à Maria un amour fidèle et éternel alors que son pseudonyme lui crachait au visage.
    — Très intéressant. On pourrait peut-être en reparler après la bataille – oui parce que je ne sais pas si vous avez remarqué mais il va y avoir une bataille. Je propose que l’on en finisse d’abord avec les armées du Tsar. On reprendra ensuite cette discussion dans un endroit plus tranquille. Une fosse commune, par exemple, qui sait...
    Sur ce, Lefine regagna sa place en bougonnant.
    — Entre Saber qui veut changer tous les plans de bataille et aller dire ses quatre vérités au prince Eugène et l’autre qui est dans les nuages ! M’est avis que, dans cette armée, plus on est fou et plus on prend du galon. Et mille excuses pour l’Empereur. Ah, si une seule fois on laissait les sergents commander l’armée, tout marcherait droit, c’est moi qui vous le dis !
    Enfin vint l’ordre de se porter en avant. La brigade Huard, forte du 8 e léger, du 84 e de ligne et du 1 er croate, était en tête, sur la gauche. Margont ne savait toujours pas s’il se dirigeait vers des bois quasiment vides ou vers des masses ennemies grouillantes. En fait, près du village d’Ostrowno, la cavalerie de Murat et le 4 e corps venaient d’accrocher le flanc gauche de l’armée russe. Ce dernier était composé du 4 e corps, commandé par le général comte Ostermann-Tolstoï, renforcé par des dragons, des hussards de la Garde, des hussards de Soussy et de l’artillerie. Il allait également recevoir le soutien du général Konovnitsyn, placé à la tête de la 3 e division du 3 e corps. Ce n’était pas encore l’assaut général que désiraient si ardemment les Français mais cela pouvait fort bien le devenir.

 
    13.
    Une partie de l’infanterie française s’était déployée en ligne et progressait d’un pas résolu. Lieutenants et capitaines, en tête, brandissaient leurs épées ou s’en servaient pour désigner l’ennemi et exhorter leurs hommes. Drapeaux déployés et tambours battants, on avançait. Impossible de ne pas penser à la mort. Certains priaient à voix basse. D’autres fredonnaient des chants martiaux. Des mains se posaient sur des porte-bonheur : la mèche de cheveux d’une fiancée, une alliance, une lettre, un gri-gri de rebouteux... Les grandes gueules fanfaronnaient : « Y vont encore me rater, comme à Eylau ! », « Je suis là ! », « Partez pas, les habits verts ! Je veux ma Légion d’honneur, moi ! »...
    Margont, lui, en tête de sa compagnie, était saisi par la beauté du monde. Le vert tendre de la plaine, le vert plus sombre du bois, le bleu azur... Quel dommage qu’il y ait le tonnerre roulant de la canonnade. Ses yeux bleus buvaient littéralement le vert qui lui faisait face. Il se rappela une amie d’enfance, Catherine. Un amour d’adolescent partagé le temps d’un été à la campagne et brisé l’été suivant. Et, entre les deux, dix mois d’attente douloureuse et des lettres parsemées de fautes d’orthographe. Qu’avait-elle bien pu devenir ? Elle devait élever ses enfants et lui, il allait peut-être crever comme un chien dans une région inconnue. Il sentit soudain qu’on le poussait violemment dans le dos et s’affala de tout son long. Dix ou douze soldats s’écroulèrent derrière lui. Margont, sidéré, n’avait pas encore réalisé ce qui venait de se passer. Un soldat se précipitait vers lui. Des gens criaient. Une boule noire roula rapidement sur l’herbe, non loin. Une autre rebondit sur la crosse d’un fusil à terre, faisant éclater celle-ci. Saber, en gants blancs, souleva son ami en l’empoignant sous les aisselles.
    — Ça va, Quentin ? Tu as mal quelque part ?
    Margont acheva tout seul de se relever. Il était couvert de terre. À côté de lui, un sergent époussetait son uniforme.
    — Salauds de Russes ! Ils nous enterrent déjà, mais on va leur montrer qu’on n’est

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