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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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en avant en visant la tête. Le Russe para et contre-attaqua. Saber bondit prestement sur le côté et trancha aux trois quarts le poignet de son adversaire.
    Ce dernier blêmit, lâcha son arme et tituba. Saber lui plaça la pointe de sa lame sur la glotte.
    — Monsieur, vous êtes mon prisonnier.
    Le Russe acquiesça vaguement, cligna des yeux et tomba sans connaissance. Saber entreprit de lui bander sa blessure. Il ne restait plus que deux artilleurs encerclés par une douzaine de Français. Le premier martelait de coups de poing le visage d’un soldat à terre sur lequel il s’était assis à califourchon. Un coup de crosse l’expédia dans l’inconscience. Le second n’avait qu’une mèche à la main. Les fantassins qui le tenaient en respect tournèrent la tête en direction d’une explosion proche. Le Russe se précipita aussitôt vers sa pièce. Margont s’était douté d’une initiative de ce genre et avait bondi vers lui. Mais il s’aperçut avec effroi que le Russe ne voulait pas bouter le feu au canon et pulvériser ainsi Saber et ceux qui l’entouraient. Non, celui-ci tenta de plonger sa mèche dans la bonde d’un tonnelet de poudre. Margont abattit sa lame sur la main du Russe, sectionnant des tendons et coupant net son geste. L’artilleur s’immobilisa tandis que des baïonnettes l’encerclaient. Sa main gauche vint enserrer sa blessure. Margont et lui se regardèrent bêtement, le premier sidéré par cette tentative suicidaire et le second, un peu gêné, comme un enfant surpris la main dans un pot de confiture. Brutalement, Margont lui assena un coup de la garde de son épée dans la figure. Le Russe se recroquevilla en hurlant. Un sergent s’interposa.
    — Reprenez-vous, mon capitaine, je vous en prie !
    Margont ne l’entendait pas. Il vociférait des insultes, raidi et ivre de rage.
    — Pauvre fou ! Dément ! Fanatique !
    Le prisonnier, en larmes, fut prestement emmené. Margont, immobile, les bras ballants, contempla l’artilleur qui s’éloignait.
    L’assaut avait été bref. Des grappes de soldats s’affrontaient encore, mais la plupart des Russes s’étaient repliés. On apercevait au loin des lieutenants agitant leurs sabres pour rallier leurs hommes tandis que le colonel qui avait commandé le feu, reconnaissable à son obésité, pressait son cheval au trot pour remotiver ses troupes. Les mousquetiers russes rechargeaient avec empressement, des blessés se bandaient une main, un bras, un mollet, une cuisse ou un front... Le colonel Delarse fulminait.
    — À l’assaut ! À l’assaut ! Ne les laissez pas se ressaisir ! Avec moi, la brigade Huard ! Tous en avant !
    Mais les Français hésitaient. Il aperçut Margont et se précipita vers lui.
    — Capitaine Margont, montrez l’exemple ! À l’assaut !
    — Mon colonel, les Russes sont bien plus nomb...
    — Et alors ! Ce ne sont que des Russes ! Ils étaient aussi bien plus nombreux, à Austerlitz.
    Une clameur de triomphe interrompit la conversation.
    — Les Russes foutent le camp !
    Le front adverse reculait en bon ordre. L’infanterie française, galvanisée par ce spectacle, se rua en avant dans une grande clameur. Alors la ligne russe se modifia. Cette masse s’égrena peu à peu, au rythme des fuyards qui détalaient. Elle se mit à presser le pas. Le colonel ventripotent saisit un drapeau et brandit l’aigle russe bicéphale. Celle-ci se détachait majestueusement sur un disque orange bordé de lauriers dorés et surplombé d’une couronne. Le fond, vert clair, était barré d’une croix oblique blanche décorée de lauriers et de couronnes dorées. Soudain, très brutalement, tous les Russes prirent leurs jambes à leur cou. On aurait dit une longue digue qui venait de céder sous la pression.
    Les Français, enivrés par le succès, couraient, bondissaient par-dessus les cadavres et les racines. Ils se sentaient capables de pousser d’une traite jusqu’à Moscou. Margont s’arrêta pour faire le point. Il entendait une violente fusillade sur sa droite, loin en arrière. Il chercha avec anxiété un officier supérieur. En vain. Il saisit un caporal par le bras, l’obligeant à stopper sa course.
    — Où sont le colonel Pégot et le colonel Delarse ? Et le général Huard ?
    — Je sais pas, mon capitaine.
    Margont le relâcha et le sous-officier se précipita droit devant lui. Margont aperçut Saber qui examinait la pelisse d’un hussard gisant à ses

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