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Les proies de l'officier

Les proies de l'officier

Titel: Les proies de l'officier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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de mûres sur son visage, le maculant de débris de peau noire. Des morceaux de lard avaient été disposés sur son ventre. Un livre avait été placé dans sa main gauche, ouvert sur une carte de l’Afrique. La couverture arrachée d’un autre livre dont le titre était en russe avait été posée sur la cuisse gauche tandis que les pages gisaient éparpillées sur le sol. Enfin, on avait répandu des feuilles de thé autour des pieds.
    Le capitaine Dalero n’avait pas dépassé l’encadrement de la porte. Ne pouvant reculer par devoir, ne pouvant avancer par dégoût, il était littéralement piégé entre deux univers, celui de la lâcheté et celui de la démence. Margont le devina et déclara :
    — Capitaine, pouvez-vous trouver un domestique qui saurait nous traduire les titres de ces ouvrages ?
    Dalero pouvait enfin battre en retraite honorablement, ce qu’il s’empressa de faire. Margont prit les livres et ramassa quelques pages arrachées. Il contempla les traces de pas sanglantes qui allaient du lit jusqu’au baquet d’eau posé sur une table. Un vieil homme arriva quelques minutes plus tard.
    — Je traduis, déclara-t-il en roulant les r.
    Il examina les couvertures que lui présenta Margont.
    — Livre de cartes et livre militaire de la guerre contre Turcs par colonel Outchekine. Le comte aimait beaucoup.
    — Où étaient-ils rangés ?
    — Salon en bas.
    — Et les oeufs ? Le lard ?
    — Cuisine ou garde-manger.
    — Bien. Alors que personne n’aille dans ces pièces tant que je ne les aurai pas inspectées. Personne, c’est clair ?
    Le domestique paraissait relativement peu choqué de découvrir sa maîtresse dans cet état. Margont lui posa la question. Le serviteur haussa les épaules.
    — Moi toujours dire que elle finir comme ça. Maintenant, elle brûle en enfer. Et elle doit aimer.
    — Personne ne mérite une mort pareille.
    Margont demeura un long moment immobile, observant ces éléments. Tout cela avait une signification, il en était convaincu. Une nouvelle énigme, mais d’autant plus difficile à déchiffrer que la vision de ce cadavre mutilé et souillé par des aliments était à peine supportable. Lorsque Lefine le rejoignit, il le trouva dans le couloir en train de humer un bouquet de dahlias et de roses variées exposé sur un guéridon. Lefine s’apprêta à entrer dans la chambre, mais Margont leva brutalement la main.
    — Je te le déconseille vivement.
    Lefine obéit. Margont pria le domestique de s’en aller et attendit que celui-ci se soit suffisamment éloigné pour poursuivre.
    — Es-tu certain que tes hommes surveillaient bien tous nos suspects ?
    — Ce sont des gens de confiance. Si l’un de nos colonels était sorti durant la nuit, ils l’auraient vu, ils nous auraient immédiatement fait prévenir et ils l’auraient suivi. A mon avis, on s’est trompés : aucun des quatre n’est l’assassin.
    Margont soupira.
    — Sauf si celui-ci s’est rendu compte qu’on l’espionnait. Peut-être a-t-il fini par remarquer que le même soldat jetait souvent des coups d’oeil dans sa direction, peut-être que l’une des personnes que nous avons interrogées pour établir sa biographie est allée le trouver pour l’informer de notre enquête...
    — Pourtant, mes hommes et moi, on a vraiment pris des précautions en essayant de tirer les vers du nez des gens, l’air de rien, comme si on parlait de choses et d’autres pour tuer le temps...
    — Si celui que nous recherchons a découvert qu’il était surveillé, il a dû quitter son logement en cachette. Tu as vu la taille du palais dans lequel nous logeons ? Et les colonels sont encore mieux lotis. Si on se sait espionné, rien de plus facile que de filer discrètement par l’une des nombreuses fenêtres du rez-de-chaussée.
    Lefine fixait ses bottes comme un petit garçon pris en faute.
    — Il faudrait une compagnie entière pour surveiller toutes les issues possibles... Évidemment, mes hommes ne s’occupaient que des portes.
    — Il est sorti en catimini et s’est lancé à la recherche d’une proie tout en riant déjà de la tête que nous ferions le lendemain.
    — Je suis désolé...
    Margont lui tapota le bras.
    — Tu n’y es pour rien. Le pire, c’est que, alors qu’il se savait surveillé, il est malgré tout sorti pour commettre un nouveau crime. C’est plus fort que lui, il faut qu’il se livre à ces boucheries. Donc, si nous ne l’arrêtons pas, il

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