Les Rapines Du Duc De Guise
troupe au galop
bousculait hommes et femmes sur son chemin, le tout assorti de force rires et
chansons paillardes. S’il reconnut plusieurs courtisans, aucun ne fit attention
à lui.
Chaque jour de la semaine, le tueur des
rois hanta les tavernes et les cabarets de la porte Montmartre ou du
quartier de l’Arsenal, des endroits où il savait pouvoir recruter des truands
prêts à tout pour quelques écus, et qui ne poseraient pas de questions. Mayenne
avait abondamment garni sa bourse. Il eut pourtant quelques difficultés, car il
voulait des hommes qui n’auraient pas l’air de brigands. Il leur demandait
aussi de savoir à peu près manier une épée. Il en trouva finalement six, dont
trois redoutables spadassins italiens en quête d’un maître à qui il demanda de
se rendre à son auberge à la fin de la semaine.
De son côté, Jehan Salvancy rencontra son
protecteur et ami pour lui raconter, avec une grande frayeur, la visite de l’homme
de Mayenne et ses exigences. Son protecteur le rassura. Il demanderait à M. de Mayneville
de fournir les armes demandées qui seraient prises sur celles que la Ligue
avait achetées. Il obtiendrait aussi sans difficulté du prévôt des marchands le
mot de passe du guet bourgeois. Quant au nom du capitaine commandant le guet, ils
le connaissaient tous deux.
Dans la même semaine, Olivier Hauteville se
rendit à trois reprises au Fer à Cheval. La première fois, ce fut pour
proposer à Cassandre et à Caudebec de l’accompagner à la messe à Saint-Merry, ce
que la jeune femme refusa en expliquant qu’elle irait à la chapelle du couvent
des Filles-de-Sainte-Élisabeth où sa tante était religieuse. Il revint le mardi
de carême prenant pour lui conseiller de ne pas sortir. L’année précédente, lui
dit-il, le roi et ses favoris s’en étaient allés courir les rues, masqués et
travestis, pour arracher les chapeaux aux hommes et les chaperons aux femmes
afin de les jeter par terre. Ils s’étaient aussi amusés à frapper à coups de
bâton tous ceux qui étaient masqués ! Cette fête des fous était une des
passions d’Henri III qui le faisait encore plus haïr du peuple. Aucune
femme ne serait en sécurité en dehors de chez elle, insista Olivier.
Lui-même ne travaillerait pas ce jour-là, car
dans la cour de mai du Palais, comme chaque année pour carême prenant, la
basoche présenterait les causes grasses. En souriant à ce terme, elle
lui demanda de quoi il s’agissait. Il lui expliqua en cherchant des mots qui ne
choqueraient pas ses chastes oreilles.
Les causes grasses étaient un des régals de la
magistrature. C’étaient de petits procès bouffons où débattaient les avocats
devant les parlementaires réunis. Ces plaidoyers étaient construits à partir de
causes réelles présentées devant un parlement, mais toujours sur des faits
drôles et surtout salaces. Comme M. de Cubsac et François Caudebec
lui demandaient d’en raconter une, il choisit la moins grivoise parmi celles
présentées l’année précédente…
C’est un procès qui avait eu lieu au parlement
de Bordeaux. Un marchand de la ville était amoureux de la servante de sa femme,
et afin de pouvoir profiter d’elle une nuit sans que sa femme s’en aperçût, il
avait obligé un des garçons de sa boutique à tenir sa place dans son lit où il
se couchait toute lumière éteinte, ceci après lui avoir bien fait jurer qu’il
ne toucherait point à son épouse. Mais ce garçon, qui était jeune, ne se put
contenir. Le lendemain, comme il était revenu dans le lit un peu avant le jour,
sa femme lui porta un bouillon en le remerciant. Le marchand s’étonnant de
cette gentillesse, elle lui dit en rougissant : vous l’avez bien gagné, monsieur
mon mari ! S’étant expliquée, il découvrit le pot aux roses et accusa le
garçon qu’il mit en procès, mais le parlement de Bordeaux lui donna tort et sa
femme fut déclarée femme de bien [50] .
L’histoire fit rire de bon cœur. C’est à l’occasion
de cette visite qu’Olivier parla à nouveau de son père et de sa gouvernante, du
malheur qui l’avait frappé, et aussi de ses espérances. Comme il s’adressait
surtout à Cassandre, elle lui fit à son tour quelques confidences qui n’étaient
cependant que des mensonges. Elle lui parla d’un père qui n’existait pas et d’une
vie à Angers qui n’était pas la sienne.
Mis en confiance, Olivier lui expliqua que c’était
Antoine Séguier, chargé du
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