Les Rapines Du Duc De Guise
n’étaient pas encore prêts pour l’ultime
combat, comme le rappelait Hotman aux conjurés. S’ils se découvraient trop vite,
le roi les ferait pendre et s’entendrait finalement avec les huguenots.
Tous les membres du conseil n’étaient pas de
son avis. Plusieurs proposaient de se défaire dès maintenant du roi, déclarant
que c’était une entreprise facile. Parmi eux, certains suggéraient d’arrêter
son carrosse et de le tuer ; d’autres proposaient seulement de le tonsurer
et l’enfermer dans un monastère.
De nouveau on reparla du projet de le surprendre
dans la rue Saint-Antoine, quand il revenait du bois de Vincennes. Les mieux
informés assuraient qu’il n’avait avec lui que deux hommes à cheval et quatre
laquais. Un avocat des Seize proposa qu’on arrête son carrosse avec une corde
et qu’on crie : Sire, ce sont des huguenots qui veulent vous prendre ! À ces mots, expliqua-t-il plein de certitude, le roi serait tellement
effrayé qu’il sortirait de sa voiture et qu’il serait facile de s’en saisir.
L’histoire fit rire M. de Mayneville
à gorge déployée. Il rappela que le monarque avait toujours avec lui ses
quarante-cinq qui tailleraient en pièces ceux qui voudraient l’arrêter. Qu’une
telle opération ne pouvait être menée à bien qu’avec un prince pour la conduire,
et surtout avec de fortes troupes.
— Tout ce que vous y gagnerez, ajouta-t-il
en s’adressant aux plus audacieux, serait d’être tirés par quatre chevaux, comme
l’a été Poltrot de Méré en place de Grève !
Au souvenir de l’exécution de Méré, l’assistance
resta muette. Tous y avaient assisté. Malgré les hurlements de l’assassin, le
bourreau lui avait arraché la chair des cuisses et des bras avec ses tenailles.
Ensuite, ses membres avaient été écartelés par quatre chevaux, mais les tendons
de l’assassin du duc de Guise étaient trop solides et il avait fallu que le
bourreau coupât les muscles avec un gros hachoir. Finalement, les chairs ayant
craqué, le tronc démembré de Méré était tombé à terre alors qu’il hurlait comme
un damné. Pour mettre fin aux effroyables cris, le bourreau avait dû lui couper
la tête en s’y reprenant à plusieurs fois. L’horreur avait été telle que
beaucoup dans le public avaient perdu connaissance ; une personne était
même morte de terreur.
Mayneville, constatant que les boutefeux
étaient refroidis, ajouta que le duc de Guise serait bientôt prêt et qu’il
aurait d’importantes nouvelles à leur donner d’ici huit jours.
17.
Le lendemain samedi, Poulain se rendit chez
Richelieu. Comme les fois précédentes, il prit la précaution d’égarer tout
suiveur éventuel. Rue du Bouloi, il fut reçu aussitôt par M. du Plessis
qui s’inquiétait justement de ne plus avoir de ses nouvelles. Le lieutenant du
prévôt lui raconta qu’il avait rapporté à la Ligue de quoi équiper trois cents
hommes ; avec ce qu’il avait déjà acheté à Paris, la sainte union pourrait
armer moins de quatre cents bourgeois. On était loin des trente mille que
souhaitait La Chapelle et il était donc peu probable que les Seize se lancent
prochainement dans une aventure guerrière.
— Tant mieux ! s’exclama Richelieu, rasséréné.
J’aurais eu du mal à convaincre Sa Majesté d’intervenir. Le roi ne m’écoute
plus guère. Joyeuse et Mme la reine mère l’ont convaincu que si le duc de
Guise dispose d’autant de troupes, c’est uniquement parce qu’il prépare une
expédition afin de délivrer sa cousine Marie, emprisonnée en Angleterre. Quant
à ces bourgeois qui veulent jouer aux soldats, le roi ne veut pas s’en
inquiéter !
— Il y a cependant les sept cents
arquebuses, les casques, les corselets et les épées que François de La Rochette
amène à Joinville. Avec ça, Guise peut équiper deux ou trois compagnies. Dans
un affrontement, ces troupes pourraient faire la différence. Le convoi doit
maintenant être arrivé à Saint-Maur pour être embarqué sur la Marne.
— Ne vous inquiétez pas, je vais faire
arrêter leur barque et mettre au cachot tout ce beau monde. J’envoie ce soir
une compagnie de gardes françaises pour Châlons. Ils y seront mardi ou mercredi
et fouilleront tous les bateaux arrivant de Paris. Ainsi, personne ne pourra
vous soupçonner. On croira plutôt à une indiscrétion lors de l’embarquement à
Saint-Maur.
L’après-midi, Poulain passa deux heures à
faire des assauts
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