Les Rapines Du Duc De Guise
sarcasme.
— J’ai toujours aimé l’escrime, monsieur,
dit-elle avec un sourire innocent. C’est mon cousin qui m’a entraînée.
Poulain la fixa longuement, hésitant entre une
raillerie et une question. Finalement, il garda le silence. Elle le salua d’un
hochement de tête et rejoignit Marguerite tandis qu’il s’approchait du blessé.
— Quel est ton nom ? demanda le
lieutenant du prévôt au truand.
— François…
— Je reprends la proposition que je t’ai
faite. Il y avait cinq écus sol dans les poches de tes amis, je suppose que tu
en as autant dans la tienne. Tu me racontes tout, tout de suite, et je te
flanque dehors avant que le guet n’arrive. Je te laisserai même tes écus.
— Pourquoi feriez-vous ça ?
Poulain ne voulait pas lui dire qu’il serait
tué bien avant qu’il ne soit interrogé, car il y avait trop de complices de la
Ligue au Châtelet pour qu’on le laisse parler. Aussi, lui donna-t-il une autre
raison, tout aussi valable :
— Ce sera trop long d’attendre ton
interrogatoire par le procureur, je veux retrouver rapidement celui qui vous a
menés ici et qui s’est enfui.
— Je devine… que je n’ai pas le choix, fit
le truand dans un gémissement de douleur. Je ne peux que vous faire confiance… Celui
qui a fui était notre chef. Il loge à l’auberge de la Tête Noire, rue de
la Bûcherie, à côté du jeu de Paume. Il m’a recruté avec les autres, il y a
trois jours pour prendre une maison et meurtrir tous ses habitants. On l’a
rejoint à son auberge cet après-midi. Il nous a donné cinq écus et on avait
droit aux femmes et la picorée. C’est lui qui nous a donné les morions et les
épées.
— Où les avez-vous eus ?
— Je ne sais pas. Ce sont les autres qui
sont allés les chercher. Mais vous les avez tués…
— Qui est cet homme ? Votre chef…
— J’ignore son nom, monsieur, mais il
boite et il est manchot. Il a une main en bois. Il a aussi beaucoup d’argent… Ah,
j’oubliais, quand on a passé le Petit Pont, il connaissait le mot du guet de la
ville : Lorraine et Bourbon.
— Il connaissait
le mot du guet bourgeois ? s’enquit Olivier, stupéfait.
— Oui, monsieur.
Les soupçons de Poulain étaient bien confirmés,
aussi n’ajouta-t-il rien. Il fit lever le prisonnier, lui coupa ses liens et, avec
Olivier, le raccompagna difficilement à la porte où il le jeta dehors. Puis, ayant
tout refermé il proposa au jeune Hauteville de rester un moment avec lui dans
la cuisine pour parler tranquillement. La pièce était vide puisque Jacques Le
Bègue et la cuisinière étaient à l’étage et nettoyaient la chambre ensanglantée.
— Crois-tu que ce soient ceux qui ont tué
mon père qui ont envoyé ces truands ? commença aussitôt Olivier.
— Oui, répondit Poulain, qui ne voulait
pas lui parler de l’autre hypothèse : que ce soit à lui que la Ligue s’en
soit prise.
— Ces gens-là auraient donc des
complicités dans le corps de ville ?
— Je te l’ai dit, Olivier. Ceux qui sont
venus trouver ton père pour lui demander de participer à une ligue afin de
sauver la religion, ce sont ceux qui l’ont tué, et ce sont encore eux qui ont
voulu te meurtrir ce soir.
— C’étaient pourtant ses amis ! murmura
Olivier. Tu as peut-être raison, mais j’ai du mal à admettre tant de noirceur. Comment
peux-tu en être si sûr ?
— J’ai reconnu les armes qu’avaient les
truands, elles viennent de la sainte union. Ils les achètent en secret pour
renverser le roi et placer sur le trône le cardinal de Bourbon, dit Poulain en
soupirant.
Olivier s’assit sur un banc, il avait les
jambes flageolantes. Il ferma les yeux un instant, songeant à ce qu’impliquait
l’affirmation de son ami, à M. de La Chapelle qui était venu demander
à son père de rejoindre la sainte union, au curé Boucher qui avait voulu le
faire condamner, à Antoine Séguier et à Claude Marteau. Nicolas avait
certainement raison.
Les amis de son père n’étaient que d’infâmes
criminels. Et il avait souhaité les rejoindre !
— Qu’avons-nous fait mon père et moi pour
mériter cette haine ? murmura-t-il.
Pendant ce temps, Cassandre était avec Mme Poulain
et Perrine qui restait prostrée sur un tabouret. Perrine était la fille d’une
sœur cadette de Thérèse, la cuisinière. Quand M. Hauteville avait eu
besoin de remplacer la servante de la maison qui était morte d’une fièvre
quarte, il
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