Les Rapines Du Duc De Guise
les cris
et les fracas de la rue. Les cloches sonnaient à la volée. La lumière entrait
faiblement par les petits carreaux en losange de la fenêtre, donc il faisait
jour. Ce devait être tierce et elle se souvint qu’on était dimanche. C’était
aussi le début du carême.
Il faisait froid.
Elle se leva, ôta son manteau de nuit puis
serra sa brassière et passa son corset. Elle avait gardé son caleçon sur elle.
Elle enfila ensuite ses bas-de-chausses et ouvrit la porte pour appeler Perrine.
Celle-ci arriva aussitôt de la cuisine et l’aida
à serrer son corset et à nouer sa robe et son corps de robe. Quand elle fut
entièrement habillée, elle demanda à la servante de la coiffer.
Après quoi, elle se lava les mains et s’humecta
les yeux. À cette occasion elle découvrit une tache de sang sur sa robe que la
servante essaya en vain d’enlever. Perrine alla ensuite ouvrir la fenêtre. Il
pleuvait. Cassandre s’approcha. Elle vit en bas une charrette à bras sur
laquelle Caudebec et Cubsac chargeaient un corps enveloppé dans un linceul. Ce
devait être le pauvre concierge assassiné.
Elle chaussa ses souliers et descendit dans la
cuisine. De l’escalier montaient une bonne odeur de soupe et une douce chaleur.
Elle trouva Olivier assis à la grande table, parlant
avec son commis. Ils se levèrent en la voyant entrer. La cuisinière lui proposa
de la soupe, des confitures et du pain de Gonesse tout chaud acheté dans la rue.
Elle accepta avec plaisir tant elle avait faim. Le Bègue les salua alors et
expliqua qu’il allait travailler. Il avait compris qu’il devait les laisser
seuls.
Les deux jeunes gens échangèrent d’abord
quelques banalités, puis Cassandre demanda :
— Que faites-vous ce matin, Olivier ?
— Je vais à la messe, c’est carême, puis
il faudra que je m’occupe des obsèques de mon concierge. Après quoi je
reviendrai ici, car un commissaire viendra certainement m’interroger. Et vous, m’accompagnez-vous
à l’office ou irez-vous assister à la messe avec votre tante ?
— J’irai sans doute voir ma tante, répondit-elle
évasivement.
— Combien de temps allez-vous rester à
Paris ?
— Je ne sais pas, un mois tout au plus.
— Vous savez que vous pouvez rester ici, vous
y serez bien mieux qu’à l’auberge.
Elle lui sourit sans répondre.
— Je serai dans ma chambre, dit-il en se
levant. J’aimerais que nous parlions de ce qui s’est passé hier soir avant que
je ne parte pour l’église.
Elle opina sans dire un mot.
Quand elle eut fini de manger, elle se leva, monta
à l’étage et alla gratter à la chambre du jeune homme. Elle avait pris sa
décision. Visiblement, il l’attendait. Très prévenant, il la fit asseoir sur un
fauteuil, tandis qu’il prenait place sur une escabelle.
— Je souhaitais vous parler de ces
truands, mademoiselle. M. Poulain pense qu’ils ont été envoyés par la même
personne qui a fait tuer mon père.
— Cela me paraît évident, dit-elle. Votre
père et vous devez partager quelque secret qu’ils ne veulent pas que vous
révéliez.
— Ce secret est bien simple, fit-il dans
un soupir. Je vérifie les tailles d’Île-de-France, c’est déjà ce que mon père
faisait. Il y a une grande entreprise de fraude et l’on m’a demandé de trouver
les coupables. Ceux qui se sont attaqués à nous veulent tout simplement m’empêcher
de découvrir la manière dont ils s’y prennent.
— Savez-vous de qui il s’agit ?
— Je crois le savoir, dit-il après une
hésitation.
— Alors il devrait être facile de
découvrir la fraude…
— Non. Je devine qui est le commanditaire,
mais j’ignore la façon dont il procède.
Elle digéra sa réponse qui n’était pas ce qu’elle
attendait. Qu’avait-il découvert ?
— Et ce commanditaire, qui est-il ?
— Il fait partie d’une confrérie à
laquelle on avait demandé à mon père de participer. Je souhaitais aussi les
rejoindre. Ces membres veulent sauver Paris de l’hérésie et désirent un autre
roi.
Elle eut un sourire étonné et interrogatif.
— Ils se nomment la sainte union et ont
rejoint la Ligue de M. de Guise. Je partageais leurs idées, Cassandre,
j’approuvais leurs aspirations, car notre roi est un bougre qui écrase le
peuple d’impôts pour enrichir ses mignons. Il est prêt à donner son royaume à
un hérétique auquel cas nous autres, bons chrétiens craignant Dieu, serons tous
damnés. Pourtant, bien que
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