Les Rapines Du Duc De Guise
portait pourtant une cuirasse. Le couteau atteignit le truand
à la base du cou. Son complice, à un pas derrière lui, hésita une seconde en
voyant son compagnon s’écrouler à ses pieds. Cubsac eut alors le temps de se
précipiter vers lui pour engager le combat.
Sauvé, Caudebec put se porter au secours de
Nicolas Poulain qui reculait vers la table, découvrant avec inquiétude que les
deux marauds entrés par la chambre étaient en fait de redoutables bretteurs.
Malgré la semi-obscurité – seuls le feu dans
la cheminée et deux chandeliers éclairaient les lieux – Maurevert avait
embrassé cette scène et avait choisi d’attendre prudemment les deux derniers
hommes en renfort. Or, comme Cubsac poussait son adversaire contre un mur, Cassandre
se leva et, se glissant presque jusqu’à sa victime, elle saisit l’épée qui
était tombée à trois pas du mort.
L’ayant en main, elle se précipita sur
Maurevert qui ne s’attendait pas à être attaqué par une femme. Le tueur fut
pourtant contraint d’engager le combat et, dès les premiers échanges, Cassandre
se rendit compte que son adversaire avait un bras raide.
Les ferrailleurs n’avaient guère de place et
personne ne voulait, ou ne pouvait, rompre. Les lames cliquetaient dans un
silence de mort, chacun ne cherchait qu’à toucher mortellement l’autre. Le
Bègue et Marguerite s’étaient réfugiés derrière le lit, dans la ruelle contre
le mur, pour laisser tout l’espace aux bretteurs. Olivier avait saisi une dague
sur la table pour aider Nicolas Poulain, mais son allonge n’était pas telle qu’il
puisse jouer un rôle décisif dans le combat. Cependant, il gênait suffisamment
le spadassin qui ne pouvait guère se déplacer de crainte de laisser son dos à
découvert.
C’est alors qu’arriva l’un des deux hommes
venant des cuisines. Son compagnon était resté avec la servante et la
cuisinière. Cassandre, la plus proche de l’escalier, se vit contrainte de se
défendre aussi contre lui. Par chance pour elle, si l’homme au bras raide était
un diabolique escrimeur, le nouveau truand maniait l’épée comme un bâton. Au
même moment, Cubsac toucha au bras son adversaire qui lâcha son arme. Sans état
d’âme, le Gascon lui traversa la poitrine et se retourna pour aider Cassandre.
En entendant la lame de son spadassin tomber
sur le carrelage de terre cuite, puis en voyant son adversaire le transpercer, le tueur des rois comprit que l’affaire était perdue. Maurevert para une
dernière fois la lame de la jeune femme, rompit, et laissa son compagnon
poursuivre le combat en s’éclipsant dans l’escalier par la porte ouverte.
La bataille se poursuivit sans lui. Cassandre
poussa son adversaire sans lui laisser la possibilité de riposter. Voyant qu’elle
se débrouillait seule, Cubsac l’abandonna pour venir en aide à Caudebec qui, comme
Poulain, était tombé sur un véritable bravo. Mais seul contre deux
adversaires, le spadassin rompit plusieurs fois avant d’être touché au bras et
à la cuisse. Il demanda merci en levant la main gauche mais Caudebec, sans
mansuétude, lui enfonça sa lame dans la gorge.
Cassandre de son côté avait déjà fait
plusieurs estafilades à son adversaire dont le regard terrorisé ne cachait rien
de ce qu’il éprouvait. Le combat ne fut qu’une suite de passes d’armes à son
avantage, elle toucha le truand à la joue, au bras, au cou, enfin à la cuisse
jusqu’à ce qu’il tombe à genoux en sanglotant : « Merci ! »
Entre-temps, Cubsac avait percé par derrière l’adversaire
de Nicolas Poulain. Les agresseurs étant décimés, le cliquetis des lames cessa
soudain. Chacun, épuisé et haletant, jeta un regard autour de lui. Il y avait
du sang partout, le long des murs, en larges éclaboussures, sur le carrelage en
épaisses flaques gluantes.
À cet instant, on entendit un long hurlement
monter des cuisines. Au cri, Olivier et Poulain se précipitèrent dans l’escalier
tandis que Caudebec passait dans la chambre d’à côté vérifier qu’elle était
vide. M. de Cubsac, lui, s’approcha du survivant blessé que Cassandre
tenait en respect.
— Laissez-moi m’occuper de lui, madame, ce
n’est pas un travail pour vous, fit le Gascon d’un air féroce, son épée
ensanglantée à la main et décidé à la passer au travers du corps de la canaille.
— Non, il est à moi, dit Cassandre en le
repoussant de la main. Je lui ai accordé grâce et je ne reviens
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