Les Rapines Du Duc De Guise
et de deux autres membres du conseil des Seize, après avoir
été condamné à mort par le duc de Mayenne, Poulain se souviendrait de cette
méfiance que le commissaire avait déjà envers les Lorrains.
En vérité, Guise voulait le pouvoir pour
lui-même, il n’avait aucune intention de le partager avec une sainte union
bourgeoise trop bien armée qui pourrait s’opposer à lui.
La réunion terminée
et la salle vidée, le conseil des Seize se retrouva autour de M. de Mayneville.
Le commissaire Louchart avait demandé à Jehan Salvancy de rester avec eux. Les
conjurés traitèrent de plusieurs points pratiques pour la maîtrise des portes
de la ville, puis Louchart aborda avec Mayneville le problème d’Olivier
Hauteville. Ce dernier ignorait encore l’échec de la dernière tentative du duc
de Mayenne.
— Cet homme nous demande maintenant d’écarter
M. Poulain, mais c’est impossible tant nous avons besoin de lui, décida
Louchart.
— Et Mgr de Bourbon ne veut pas qu’on
attente à sa vie, ajouta Mayneville.
— Comment faire, alors ? s’exclama
Hotman en levant les mains pour montrer qu’il n’avait pas de solution.
— Il faudrait à nouveau éloigner M. Poulain
de Paris, suggéra finalement M. de La Chapelle. Peut-être le renvoyer
à Arras…
— Mais acceptera-t-il ?
— Et si je le faisais jeter en prison ?
proposa Louchart, après un temps de réflexion.
— Comment ça ?
— Imaginons qu’on profère une accusation
grave contre lui. Il serait arrêté et, le temps qu’il se disculpe, l’homme de M. de Mayenne
agirait contre Hauteville.
— Comment vous y prendriez-vous ? demanda
Hotman.
— J’aurais besoin de vos gardes du corps,
monsieur Salvancy, répondit le commissaire.
Le samedi 23 mars
Très tôt, Nicolas Poulain
se rendit chez M. de Richelieu, il avait hâte de lui rapporter ce qu’il
avait appris, et surtout de vérifier les dires des ligueurs quant aux succès du
duc de Guise.
Hélas, le Grand prévôt lui confirma le fait. Il
ajouta qu’il avait parlé au roi une semaine plus tôt mais qu’il n’avait pu le
convaincre. Tant que Henri III n’aurait pas rencontré un témoin ayant
assisté aux réunions de la sainte union, il resterait incrédule sur le dessein
du duc de Guise de s’emparer de la capitale… et de son royaume.
— Je vais vous conduire chez M. Hurault,
décida-t-il. Le comte de Cheverny est un des rares à pouvoir rencontrer Sa
Majesté à toute heure. Vous lui raconterez ce que vous avez entendu hier et la
semaine dernière. M. Hurault saura bien décider le roi à vous entendre, surtout
maintenant que Guise a abattu son jeu en prenant Châlons.
Le prévôt fit préparer son coche. En ces temps
troublés, Philippe Hurault s’était installé dans sa maison fortifiée hors de
Paris, expliqua-t-il à Poulain. C’était un ancien château appelé La Rochette, qu’Henri III
lui avait donné dix ans plus tôt. Situé près de la porte Saint-Antoine [59] l’endroit était facilement défendable si des séditieux envisageaient
de l’attaquer.
À cause d’encombrements dans l’étroite rue
Verrerie, le trajet dura plus d’une heure. Le chancelier les reçut après une
délégation de présidents à mortier du parlement qui venaient aux nouvelles, ayant
eux aussi appris avec une grande inquiétude la prise de Châlons. Ils avaient à
leur tête M. Achille de Harlay, le président du parlement, qui était aussi
le beau-frère du chancelier. Ils avaient peur. Le peuple grondait et ils savaient
ne pas pouvoir compter sur le corps de ville [60] ni sur la milice bourgeoise. Ils savaient aussi que si des émeutes
éclataient, leurs maisons seraient les premières pillées.
Le chancelier Philippe Hurault, comte de Cheverny,
maître des requêtes et ancien conseiller au parlement, avait cinquante-sept ans.
C’était un homme trapu, à l’épaisse barbe et aux cheveux drus, à la trogne de
sanglier. Sa famille avait toujours servi les rois de France et lui-même avait
hérité de nombreuses charges et de plusieurs domaines. Présent à la bataille de
Jarnac où il s’était distingué au côté du duc d’Anjou – le roi actuel – il
avait toute la confiance d’Henri III. Fin juriste, parlant latin comme un
clerc, il avait une réputation d’habile diplomate et ne s’était jamais fâché
avec les Guise.
Richelieu lui présenta Nicolas Poulain qui
raconta les dernières réunions de la sainte
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