Les Rapines Du Duc De Guise
prisonniers. Il y avait un lit
de planches, une cheminée éteinte, un vase et une cruche. Il se leva, fit le
tour de sa cellule pour constater qu’il n’avait rien de cassé, puis il but un
peu d’eau à la cruche et se nettoya le visage. L’eau venait sans doute de la
Seine car elle avait un goût de charogne. Quelle heure pouvait-il être ? Il
faisait sombre mais encore jour. Il n’avait pas dû rester longtemps évanoui.
On allait sans doute venir l’interroger, et
certainement pas pour ce vol ridicule. Qui allait-il voir ? Il ramassa son
manteau qu’on lui avait laissé et s’approcha du lit dont il secoua la paillasse
de crin.
Des dizaines de cafards et de punaises en
tombèrent qu’il écrasa de sa botte. Ensuite, il s’allongea. Il devait être
patient.
Il devait sommeiller depuis une heure quand il
entendit les verrous de sa porte que l’on tirait. La porte s’ouvrit et un
geôlier au visage couvert de croûtes et d’ulcères apparut dans l’encadrement.
22.
Cassandre et Caudebec revenaient des Grandes
halles par la rue Aubry-le-Boucher, avec la cuisinière et Jacques Le Bègue qui
portaient leurs achats, quand ils aperçurent l’attroupement autour du sergent
et des deux archers. Caudebec conseilla de rester prudemment éloignés, ce genre
de rassemblement pouvant mal tourner. Pourtant, quand ils entendirent les
accusations de vol et qu’ils virent Nicolas Poulain pris à partie, Cassandre
voulut intervenir et se porter à son secours.
Jacques Le Bègue eut un geste pour la retenir.
— Je vous en prie, madame, restons à l’écart,
il s’agit d’un coup fourré.
— Que veux-tu dire ? demanda
Caudebec.
— Ces archers, je les ai reconnus, ce
sont ceux qui étaient avec M. le commissaire Louchart lorsqu’il est venu
chez nous, après la mort de mon maître.
— Tu en es sûr ?
— Certain, monsieur, d’ailleurs comment
se fait-il qu’ils soient là ? Il n’y en a jamais par ici.
— Si c’est un coup monté, ils sont sans
doute complices, dit Caudebec en observant que Nicolas Poulain venait de
découvrir avec surprise la bourse volée dans sa poche.
— Nous n’allons pas abandonner M. Poulain !
s’insurgea Cassandre.
— Si nous intervenons en assurant que
nous le connaissons, ils pourraient nous poursuivre aussi, ou même venir chez M. Hauteville
arrêter tout le monde, s’inquiéta Caudebec. Tout ça finirait fort mal.
— Que faut-il faire ? demanda Le
Bègue, blanc d’effroi.
— Dans l’immédiat, M. Poulain ne
risque rien ; il est lieutenant de prévôt et il parviendra certainement à
se justifier. On devrait cependant prévenir ses amis.
— Mais qui ? Nous n’en connaissons
aucun !
— M. Hauteville doit bien les
connaître, décida Cassandre.
Ils virent Nicolas Poulain partir avec les
archers qui l’encadraient. En se pressant, ils reprirent alors leur chemin vers
la maison d’Olivier.
Le jeune homme était rentré la veille dans la
soirée avec M. de Cubsac et préparait un mémoire auquel il comptait
joindre les nombreuses dépositions écrites de paiement de la taille qu’il avait
obtenues. Cassandre, Caudebec et Le Bègue le trouvèrent dans sa chambre, à sa
table de travail, et lui racontèrent ce qu’ils avaient vu.
— Je vais prévenir le prévôt d’Île-de-France,
décida Olivier en se levant.
— M. Poulain nous a dit que M. Hardy
était très malade, rappela Le Bègue, il ne nous recevra pas, ou ne fera rien.
— Qui donc alors ?
— Je ne sais pas, monsieur. Mais il faut
au moins avertir Mme Poulain. Elle va être dans tous ses états !
Olivier songea au marquis d’O qui aurait pu
intervenir s’il n’avait été absent. Et Poulain ne lui avait jamais parlé des
gens qu’il connaissait, ou de protecteurs qu’il aurait. Il se rendait compte qu’il
ne savait pas grand-chose sur lui et il réfléchit encore un moment avant de
décider :
— Je vais chez M. Séguier. Il me
connaît et son frère est le lieutenant civil. Si on enferme Nicolas, il pourra
facilement le faire sortir du Grand-Châtelet.
Escorté par Cubsac, il partit immédiatement
pour la rue des Petits-Champs pendant que Cassandre se rendait chez Mme Poulain.
En chemin, Olivier songeait à quel point le destin pouvait être malicieux. Trois
mois plus tôt, c’est Nicolas qui l’avait fait sortir de sa prison du Châtelet, et
maintenant, c’était son tour d’intervenir en sa faveur.
M. Séguier était à table
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