Les Rapines Du Duc De Guise
Poulain dans l’après-midi. Le lieutenant du prévôt
lisait un livre en latin à ses enfants. Avec l’arrivée des deux hommes, il
termina rapidement sa leçon et envoya sa fille et son fils dans la cuisine
rejoindre son épouse.
Olivier raconta alors à son ami que Cassandre
était retournée chez son oncle – une prudence que Poulain approuva – et il lui
suggéra qu’ils reprennent eux-mêmes les quittances à Salvancy, comme s’il était
à l’origine de cette idée.
Entre-temps, il avait bien réfléchi au plan de
Cassandre et il l’avait amélioré. Il proposa à Poulain qu’ils fassent parvenir
au receveur des tailles une lettre l’avisant qu’il allait être arrêté. Que sa
fraude aux faux anoblissements était découverte et que trois officiers du duc
de Guise allaient venir le chercher pour le conduire à l’hôtel de Clisson où il
serait à l’abri.
Ces trois officiers, ce seraient eux, avec M. de Cubsac.
Salvancy leur ouvrirait sa porte sans hésiter. Il faudrait alors qu’ils
neutralisent les gardes et les domestiques, mais avec Cubsac, ils devraient
pouvoir y parvenir. Ensuite, ils interrogeraient le receveur, lui prendraient
les quittances et les lui feraient signer avant de les rendre au roi.
Nicolas Poulain resta bouche bée devant ce
projet. Il avait toujours jugé Olivier comme un clerc et il découvrait un homme
d’action. L’entreprise était séduisante, audacieuse, certes, mais réalisable. Seulement,
il y vit plusieurs défauts, dont le principal était qu’il ne pouvait y
participer !
— C’est un plan solide, et qui pourrait
bien réussir avec un peu de chance. Mais je ne peux en être, car j’ai rencontré
plusieurs fois Salvancy à des réunions, avec des gens du corps de ville. Il
sait que je suis le lieutenant du prévôt Hardy ; je ne peux donc me
présenter chez lui comme un officier du duc de Guise. Or si toi et Cubsac êtes
seuls, vous ne parviendrez pas à maîtriser toute la maisonnée.
— Je pourrais demander à quelques Gascons
de ma connaissance, certains des quarante-cinq me prêteraient main forte, proposa
Cubsac.
— Nous pourrions aussi engager des hommes
de main, suggéra Olivier.
— Et je pourrais moi-même trouver des
archers, reconnut Poulain, mais je préfère ne mêler personne à cette affaire. Nous
ne pouvons agir qu’avec des gens de confiance, car si les amis de Salvancy
découvraient que ce sont des gens du roi qui ont repris les quittances, ils préviendraient
le duc de Guise qui ferait pression sur Sa Majesté.
Il resta silencieux un instant, cherchant à
proposer une alternative. Le plan d’Olivier était excellent, mais où trouver
deux ou trois personnes sûres ? Il songea un instant à Caudebec, mais il
était lui aussi connu de Salvancy.
Finalement, son visage s’éclaira. C’était
tellement évident !
— O ! fit il.
Olivier crut à une interjection et regarda
autour de lui, ce qui fit rire Nicolas.
— Le marquis d’O ! Nous allons le
prévenir. S’il pouvait venir à Paris, je suis certain qu’il aimerait participer
au dernier acte !
— Mais cela lui sera-t-il possible ?
s’enquit Olivier. En ce moment, tous les gouverneurs sont à leur poste. Il ne
pourra sans doute pas quitter Caen.
— Il pourrait nous envoyer quelques-uns
de ses lieutenants en qui il a toute confiance, suggéra Poulain.
— C’est bien possible. Mais comment le
prévenir ?
— Je peux y aller, proposa Cubsac. En
partant lundi, je serai à Caen avant vendredi. Et il est inutile de me donner
une lettre, je peux tout expliquer à M. le marquis.
— En effet… Et tu serais de retour à la
fin de la semaine suivante, calcula Poulain. Toute cette affaire pourrait être
réglée dans une quinzaine.
— Tout de même, grimaça Olivier, il y
aura deux semaines à attendre !
Même s’il le cachait, il bouillait maintenant
d’impatience, mais c’était surtout pour revoir Cassandre !
— Ce ne sera pas de trop pour affiner ton
plan. N’oublie pas que tu n’as pour l’instant que quelques témoignages contre
Salvancy. Durant les deux semaines de chevauchée qui m’attendent, tu pourrais m’accompagner
à Saint-Germain pour poursuivre tes vérifications auprès des roturiers
faussement déclarés nobles. Nous ferons le voyage ensemble et si, dans quinze
jours, après avoir récupéré les quittances, tu déposes un mémoire accusatoire
contre Salvancy auprès de M. Séguier, tu auras suffisamment de
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