Les Rapines Du Duc De Guise
toujours ses nuits,
comme on disait qu’elle avait hanté celles de son frère Charles IX.
Dès le lendemain de ce coup de force circula
en ville un manifeste imprimé à Reims dans lequel la Ligue et ses alliés
lorrains expliquaient les raisons pour lesquelles ils avaient été amenés à
prendre les armes. Le manifeste était signé Charles de Bourbon qui se
présentait désormais comme l’héritier du trône en cas de disparition du roi.
Devant une telle insolence, Henri III
aurait pu réagir avec autorité. Il aurait pu faire entrer d’autres Suisses dans
Paris, arrêter et exécuter les meneurs, confisquer tous les biens des Guise et
de leurs proches. Par la violence, la ville se serait peut-être soumise. Mais
une fois encore, le roi refusa de faire couler le sang de ses sujets et en
appela seulement à leur loyauté.
Il répliqua donc seulement par un autre
manifeste dans lequel il affirmait que la déclaration de la Ligue et des
Lorrains ne visait qu’à l’exterminer, ou à le chasser, pour lui ravir la
couronne, ou celle de ses héritiers légitimes. Les masques étaient donc tombés,
mais Henri ne s’en prenait qu’aux Guise et au cardinal de Bourbon, non à ses
sujets.
Le 2 avril, des officiers fidèles au monarque
firent fermer la plupart des portes de Paris, ne gardant ouvertes, et
particulièrement surveillées, que les portes de Saint-Honoré, Saint-Martin, Saint-Denis,
Saint-Antoine, Saint-Germain, Saint-Jacques et Saint-Marcel. Des proches du roi,
et parfois le roi lui-même avec ses quarante-cinq, assurèrent un tour de garde
régulier de ces sept portes.
Il était désormais impossible aux Guise de
faire entrer des troupes ou des armes dans la capitale.
Dès sa libération, Nicolas Poulain examina
avec Olivier les premières preuves que celui-ci avait obtenues. Celles-ci, bien
que peu nombreuses, paraissaient irréfutables. Les quelques riches roturiers qu’Olivier
avait interrogés avaient effectivement payé leurs tailles. Ils lui avaient même
montré les quittances des quatre termes annuels qu’ils avaient portés à leur
receveur. Ils n’avaient jamais été anoblis, et pourtant ils n’apparaissaient
pas dans les registres des tailles versées transmis au conseil des finances.
Avec ces éléments, Olivier se proposait d’écrire
un court mémoire pour M. Séguier et de suggérer l’arrestation immédiate de
Jehan Salvancy. Une fois celui-ci emprisonné, il serait aussi interrogé sur l’assassinat
de son père et il nommerait sans doute ses complices.
Olivier jugeait que le roi montrait sa fermeté
en faisant fouiller les maisons et surveiller les allées et venues suspectes, et
qu’il ne se laisserait plus dominer par le duc de Guise. Salvancy pouvait donc
être arrêté sans risques.
De retour de chez M. Sardini, Cassandre n’était
pas de son avis. Elle lui rappela à quel point la ville était en ébullition. Partout
des bourgeois du guet circulaient, en morion et armés de mousquet ou de
pertuisane. Si des gardes du roi venaient arrêter Salvancy, ou fouiller sa
maison, et s’il appelait à l’aide, tous ses voisins lui porteraient secours et
chasseraient les forces de l’ordre, qui seraient même écharpées. De toute façon,
elle doutait que les commissaires de police du Châtelet acceptent d’exécuter un
ordre d’arrestation d’un homme soutenu par la Ligue.
Le Bègue, qui assistait à leur entretien, confirma
cette difficulté.
Nicolas Poulain reconnut aussi qu’elle avait
sans doute raison et qu’une arrestation serait difficile, sinon impossible. Il
savait pertinemment que la plupart des commissaires du Châtelet ayant rejoint
la sainte union, aucun n’exécuterait l’ordre qu’on leur donnerait (sauf
peut-être M. Chambon), ou alors qu’ils préviendraient Salvancy qui se
cacherait.
Le plus sage, selon lui, était d’attendre pour
savoir si le roi parviendrait à imposer sa volonté. Il espérait aussi en savoir
plus lors de la réunion du vendredi avec les ligueurs, mais cela il ne le dit
pas à ses amis. Seulement, en se rendant au Palais le vendredi, il apprit par
le graveur qu’il n’y aurait pas de réunion ce soir-là. Chacun était bien trop
inquiet de l’attitude du roi et voulait éviter de se compromettre tant que le
duc de Guise ne serait pas à Paris pour les protéger.
Les jours s’écoulèrent donc sans que rien ne
change. Cassandre hésitait à partir. La prudence aurait voulu qu’elle quitte la
ville, car les
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