Les Rapines Du Duc De Guise
seller son cheval, il apprit
que personne ne pouvait passer par la porte Saint-Martin et qu’il était
probable qu’on ne le laisserait pas sortir. En revanche, lui assura un palefrenier,
contre un écu, la porte Saint-Antoine était toujours ouverte.
Alors qu’il se dirigeait vers la Bastille, l’agitation
s’étendait. Le roi n’avait pas osé envoyer ses troupes de Suisses aux
principaux carrefours pour faire régner l’ordre et des patrouilles du guet
bourgeois avaient pris possession des rues, prêtes à intervenir à toute
dénonciation. Il en croisa une qui faisait grand fracas alors qu’il approchait
du faubourg où son écuyer l’attendait à l’auberge de l’Étoile d’or.
Des bourgeois, martialement casqués de morion
et porteurs d’arquebuse, traînaient un pauvre homme en chemise, la corde au cou,
le visage tuméfié.
S’étant arrêté, il écouta ce que l’un des
hommes de la milice expliquait à un groupe de femmes.
— C’est un huguenot qu’on a découvert à l’hôtellerie
de la Croix-Blanche où il a été dénoncé par ses voisins. Un de ceux qui
sont cachés en ville pour nous massacrer. Celui-là avait plein de papiers et d’ordres
secrets dans sa chambre.
— Je ne suis pas huguenot, juste écrivain
public, pleurnicha le pauvre homme.
Le visage plein d’ecchymoses, la bouche en
sang, plusieurs dents en moins, il avait du mal à parler.
En se moquant de lui, le bourgeois lui donna
un coup de pertuisane sur la tête pour le faire avancer. Le sang jaillit. Celui-là
sera pendu ce soir, se dit Maurevert. Il fit presser sa monture tant il avait
hâte de passer la porte Saint-Antoine.
Ce même jour, Nicolas Poulain, libéré du
Grand-Châtelet, rentra chez lui.
Toute la semaine qui
suivit son entrevue avec Nicolas Poulain, le roi tint conseils. Non les
conseils d’en haut, avec ses secrétaires d’État, mais des conférences
restreintes qui avaient lieu l’après-midi avec ses fidèles et les capitaines de
ses gardes et de ses archers. Chacun lui proposa son avis. Certains voulaient l’affrontement,
comme le duc Épernon et ses proches ; d’autres comme Cheverny ou
Villequier conseillaient la prudence ; d’autres, enfin, tels sa mère et
son beau-frère, le duc de Joyeuse, suggéraient un arrangement avec le duc de
Guise.
Cependant quel que soit leur désaccord, tous
étaient parfaitement conscients que le peuple de Paris tenait pour le parti de
la Ligue et aucun ne sous-estimait le danger. La Saint-Barthélemy était dans
toutes les mémoires. Si la populace s’attaquait au Louvre et au Palais, ils
savaient que les troupes royales seraient balayées et la ville mise au pillage
pendant plusieurs jours.
Le roi décida donc d’agir avec prudence et
fermeté. Ayant appris que les quarteniers surveillaient les gens de passage, il
reprit l’ordre à son compte et demanda aux dizainiers d’informer M. de Villequier
de toutes les allées et venues suspectes. Il prohiba aussi la navigation sur la
Seine la nuit et imposa que toute personne qui hébergeait un étranger le signale
au gouverneur de Paris. Il fit aussi fouiller quelques maisons, sans toutefois
s’attaquer aux chefs ligueurs afin de ne pas dévoiler qu’il les connaissait.
Néanmoins, cette preuve d’autorité inquiéta
les bourgeois les plus timorés qui savaient le sort réservé aux rebelles.
Le dernier jour de mars, le roi convoqua au
Louvre le prévôt des marchands et les échevins, ainsi que les quarteniers et
les dizainiers, pour leur annoncer que les capitaines et lieutenants de la
milice bourgeoise ayant la garde des portes de la ville seraient remplacés par
des officiers de robe longue. Bussy Le Clerc dut rendre les clefs de la porte
Saint-Antoine, comme les autres gardiens des portes.
Henri III fit ensuite venir les nouveaux
capitaines qu’il avait nommés et leur fit prêter serment de fidélité en leur
demandant d’être bons et loyaux sujets, et de monter bonne garde des portes et
avenues. Il envoya aussi ses propres officiers renforcer les défenses du grand
et du petit Châtelet, du Temple et de l’Arsenal.
Ceux de la Ligue se trouvèrent surpris par ce remuement
d’armes et de trouble et beaucoup prirent peur, craignant que le roi ne les
ait découverts et soit décidé à les punir ; ce en quoi ils se trompaient. Henri III
avait trop fait couler le sang durant la Saint-Barthélemy pour envisager un
nouveau massacre. La boucherie ordonnée par sa mère hantait
Weitere Kostenlose Bücher