Les Rapines Du Duc De Guise
l’obligeait à
coincer l’arme avec son genou. Le mécanisme fonctionnait parfaitement, Maurevert
glissa l’arme dans un étui attaché à son pourpoint. Il était peu probable qu’il
l’utilise, jugea-t-il. Son épée suffirait pour percer tous les habitants de la
maison, mais si c’était nécessaire, il pourrait toujours lâcher sa lame, attachée
à son poignet par une dragonne, sortir le pistolet de sa main valide, tirer, le
replacer et reprendre son épée.
Il s’était longuement entraîné à cette
séquence durant sa convalescence.
Il attacha le fourreau de son épée à sa
ceinture, prit une dague, ouvrit sa porte et descendit. Il ne pouvait plus
attendre.
Dans l’escalier, il rencontra sa logeuse qui
montait le voir.
— Monsieur Le Vert (on se souvient que c’était
le nom qu’utilisait Maurevert et qui était inscrit sur son passeport), vous ne
m’avez pas encore payé la semaine d’avance et nous sommes mardi. Vous savez
bien que vous devez me payer tous les dimanches.
— Je vous donnerai votre argent à mon
retour, lui dit-il.
— Non ! protesta-t-elle aigrement. Vous
êtes déjà en retard !
Elle lui obstruait le passage et il comprit qu’il
ne pourrait se débarrasser d’elle. Il fit demi-tour et remonta dans sa chambre,
lui demandant d’attendre dehors. Il avait un sac de cuir bien dissimulé et en
tira dix écus. Il remit le sac à sa place et rejoignit la femme à qui il donna
l’argent.
Ce contretemps lui avait fait perdre quelques
minutes.
Dans la rue Saint-Martin, un gentilhomme qui
surveillait la maison vit Olivier se diriger vers le Fer à Cheval. Il se
précipita aussitôt à l’auberge et grimpa quatre à quatre jusqu’à une chambre
dont les occupants sortirent aussitôt pour se rendre chez Hauteville, en évitant
de se faire voir des écuries.
Ils étaient cinq en tout, lourdement armés, et
avaient la clef de la porte d’entrée et de la herse.
Maurevert arriva peu après, alors qu’ils
étaient déjà entrés. Ignorant leur présence, il frappa à la porte. Ce n’est qu’au
bout d’un temps assez long qu’une voix d’homme se fit entendre par l’une des
meurtrières de la tourelle.
— Que voulez-vous ?
— M. Hauteville vient d’être agressé
par une bande armée ! Il est blessé et m’a demandé de venir chercher de l’aide !
lança Maurevert croyant s’adresser à un domestique.
Personne ne répondit, sans doute l’homme – un
concierge – allait demander s’il pouvait le faire entrer. Au bout d’une longue
minute, la porte s’ouvrit. À peine était-elle entrebâillée que Maurevert la
poussa d’un coup d’épaule et entra en sortant sa dague pour qu’on ne le vît pas
de la boutique du tailleur. Il la plongea dans le ventre de l’homme qui était
devant lui. Celui-ci s’écroula en gargouillant.
Il était seul. Maurevert regarda son visage :
il ne l’avait jamais vu. En revanche le fait que sa victime soit vêtue en
gentilhomme et porte une épée l’inquiéta. Était-ce un nouveau garde du corps ?
Peu importe, se rassura-t-il, puisqu’il est mort. Il rengaina sa dague et
sortit sa rapière, puis ouvrit prudemment la porte de la cuisine. Elle était
vide.
— Joachim, cria une voix d’homme de l’étage,
fais monter cet homme !
Comment se faisait-il qu’il y ait encore un
autre homme dans la maison ? se demanda le tueur qui n’avait jamais vu que
le commis. Un second garde du corps ? Il s’efforça de chasser le malaise
qui l’envahissait et grimpa l’escalier quatre à quatre, l’épée dans sa main
valide.
Il fut stupéfait en découvrant le visage de
celui qui se trouvait devant une porte ouverte, au niveau du premier étage, et
qui avait été attiré par le fracas qu’il avait fait en montant. C’était un
homme habillé de toile noire sans broderie ou passementerie. Il portait une
épaisse barbe bouclée, comme sa chevelure, son front était haut avec des plis
profondément marqués sous les yeux.
— Mornay ! murmura Maurevert.
— Maurevert ! s’exclama, abasourdi,
M. de Mornay en reculant d’un pas pour protéger sa fille adoptive qui
se tenait derrière lui. Cache-toi, Cassandre ! ordonna-t-il.
Les deux hommes, autant interloqués l’un que l’autre,
se dévisagèrent une seconde. Puis la surprise fit place à la haine. Cassandre
avait reconnu le manchot avec qui elle s’était battue. Elle ne chercha pas à
comprendre comment son père le connaissait, elle savait
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