Les Rapines Du Duc De Guise
d’anoblissement avec des sceaux qu’ils avaient
fait faire par un faussaire, M. Larondelle. J’ai raconté la fraude à M. Marteau.
Nous nous connaissions depuis des années car c’est lui qui m’avait prêté l’argent
pour acheter ma charge. C’est lui qui a eu l’idée des fausses lettres de provision
présentées à l’élu chargé de vérifier les facultés des taillables à partir de
rôles établis par le bureau des finances. C’est lui qui a mis au point le
système de doubles registres. Après, je n’ai pas pu reculer, pleurnicha le
receveur.
— Qui étaient ceux qui l’accompagnaient ?
— Mes gardes du corps. Ils ne sont pas là,
ce matin, un commissaire du Châtelet est venu les chercher pour les interroger.
— Qui a tué mon père, ma gouvernante et
ma servante ? demanda encore Olivier d’une voix blanche.
— Valier, tout seul. Il me l’a dit. Il a
aussi volé un peu d’argent et une clef. J’ai caché la clef, mais elle a disparu.
Quant à M. Marteau, il m’avait donné le mémoire afin que j’étudie comment
votre père avait procédé pour découvrir la vérité. Il voulait améliorer la
façon de détourner les tailles.
Salvancy parlait maintenant sans qu’on le
force. Il était prêt à tout dire, et plus encore. Il savait qu’il n’avait plus
longtemps à vivre et il regrettait réellement de s’être laissé entraîner.
Le visage fermé, O tendit sa main gauche à Olivier, mais d’un geste, le jeune homme refusa de prendre la lame. Il fit
quelques pas dans la chambre, les yeux dans le vague.
— Je vais appeler Dimitri, proposa
doucement O qui crut que le jeune clerc était incapable de tuer de sang-froid. Il
a l’habitude et il lui coupera la gorge très proprement.
— Je ne peux pas, monsieur le marquis !
Je ne peux pas ! lui répondit Olivier en se retournant. Le tuer ne me
rendra pas mon père !
Il s’adressa au contrôleur des tailles :
— Vous allez écrire une confession
complète, monsieur Salvancy, expliquant que M. Marteau, M. Valier et M. Faizelier
ont tué mon père, et dans quelles circonstances. En échange, je vous laisse la
vie. Mais, dès ce soir, j’aurai prévenu M. Séguier et M. de Bellièvre.
Si vous êtes encore là, vous serez arrêté et jeté dans un cachot. Votre
châtiment sera alors effroyable. Vous aurez donc le temps de fuir, mais vous et
votre femme deviendrez des parias, des miséreux sans maison, vivant de la
charité. Peut-être aurez-vous le temps de vous repentir et, en priant Notre
Seigneur, peut-être vous pardonnera-t-il.
Il se tourna vers O.
— Dès qu’il aura écrit ses aveux, je l’attacherai
avec le cordon du rideau, décida-t-il. Valier et Faizelier, eux, subiront la
peine des assassins. Quant à M. Marteau, je m’en charge.
26.
Après avoir garrotté Salvancy et enfermé à
clef tous les gens de la maison dans la chambre de Mme Salvancy, ils
sortirent.
Bien que la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie
ne fût guère éloignée de la rue Saint-Martin et de la rue de la Plâtrière, ils
s’y étaient rendus à cheval. D’abord parce que le marquis d’O ne se serait
jamais déplacé à pied sans escorte, et ensuite parce que le cheval était le
moyen le plus rapide de fuir si une difficulté inattendue devait surgir. Pour
la circonstance, Olivier avait donc loué une jument à l’écurie du Fer à
Cheval. En arrivant rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, ils avaient laissé
leurs montures rue des Billettes, sur un petit enclos qui bordait l’église
Sainte-Croix où quelques gagne-deniers avaient pour habitude de surveiller les
bêtes que leur confiaient les gentilshommes de passage. Nicolas Poulain, lui, avait
attendu ses amis en bas, devant la maison de Salvancy.
Quand, de la fenêtre et par un signal convenu,
Olivier l’eut prévenu qu’ils en avaient terminé, le lieutenant du prévôt était
allé chercher les chevaux que deux gagne-deniers avaient ramenés avec lui. Ils
avaient ainsi pu partir rapidement.
Nicolas Poulain et François d’O étaient en
tête.
Le marquis faisait au lieutenant du prévôt un
compte rendu rapide de ce qui s’était passé, assorti de commentaires ironiques
sur la terreur de Salvancy. Certes, le receveur des tailles aurait fui quand on
viendrait l’arrêter, mais cela n’avait plus guère d’importance. Son rapinage
était terminé et, dans la sacoche accrochée à la selle du marquis, il y avait
près d’un million de livres qu’il
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