Les Rapines Du Duc De Guise
nous protéger, intervint l’un des
participants, un homme à l’allure militaire et à la barbe noire bien taillée.
— Les seize quartiers sont divisés en
cinquanteneries et dizaineries. La plupart sont ralliés à notre cause. À ce
nombre s’ajoutent cent ou deux cents membres de notre ligue capables de tenir
une arme. Au total, il nous faut au moins cinq cents pièces d’armement, expliqua
La Chapelle. Chacun doit avoir une épée, un corselet ou une brigandine, et un
morion. Un mousquet aussi, si c’est possible. Ils commanderont ceux qui n’auront
que des piques ou des fourches.
Poulain fit un rapide calcul.
— Chaque pièce peut valoir dix écus de
trois livres [11] si elle est de bonne qualité. Pour une épée, une cuirasse et un
haubergeon, cela fera au moins trente écus. Et il faut compter cent écus avec
un mousquet.
— Cinq cents hommes à trente écus font
quinze mille écus. Ce qui nous coûterait quarante-cinq mille livres au bas mot,
intervint rageusement un autre homme. C’est beaucoup trop !
— M. Isoard Cappel est notre
trésorier, dit La Chapelle en souriant. Il compte nos pécunes comme si c’étaient
les siennes, mais nous aurons cet argent. Monsieur Cappel, je suppose que nous
pouvons remettre six mille écus à M. Poulain pour qu’il commence ses
achats ?
— Effectivement, reconnut le trésorier.
— Il serait possible d’avoir des armes et
des cuirasses moins chères en allant les acheter directement là où on les forge.
Par exemple à Besançon, en Suisse, ou dans les Flandres, proposa Poulain.
— Mais on trouve tout ça rue de la
Heaumerie !
— Certainement, monsieur, mais il sera
difficile d’obtenir là-bas de grandes quantités d’équipement, et ce sera au
prix fort. De surcroît, comme la vente d’armes est interdite à Paris sans
autorisation, les marchands me demanderont des papiers que je n’ai pas.
— Vous n’aurez pas de problème avec les
commissaires du Châtelet, l’assura Louchart. Il n’y aura aucun contrôle de
notre part.
— Tant mieux, mais la jurande de la
profession est vigilante et ne tient pas à être poursuivie. Certes, je pourrais
expliquer qu’il s’agit d’un équipement pour les chevauchées prévôtales, ceux
qui me connaissent me feront confiance… peut-être… Quoi qu’il en soit j’essayerai…
Et si je parviens à acheter ces armes, où qui devrai-je les porter ?
— À l’hôtel de Guise, répondit Mayneville.
— Ou chez moi, précisa Jean Bussy.
— Ce point est donc réglé, décida La
Chapelle. M. Cappel donnera l’argent à M. Poulain lors de notre
prochaine rencontre. Le père Boucher va maintenant nous présenter les grandes
lignes du plan qu’il a étudié avec M. Jean Bussy, au cas où le danger
huguenot devait se préciser.
Boucher fit quelques pas au milieu de l’assistance
dans une attitude avantageuse.
— Le vilain Hérodes…, commença-t-il.
Chacun se mit à rire sauf Poulain qui ne
comprenait pas.
— C’est l’anagramme de Henri de Valois, lui
souffla son voisin.
— … Nous menace d’une Saint-Barthélemy. Mais
il ignore que nous sommes capables de le devancer, s’il tente d’agir.
— En avons-nous le droit ? demanda
un homme de l’assistance. La personne du roi est sacrée.
À cette question, Poulain inclina la tête en
signe d’adhésion et il vit que plusieurs faisaient comme lui.
— Saint Thomas d’Aquin l’a écrit : le
tyran d’usurpation peut être assassiné et le tyran d’exercice peut être déposé,
car c’est le peuple qui fait les rois, assura le prêtre en écartant les mains.
Mayneville approuva du chef.
— Si cela s’avère nécessaire, voici
comment nous nous y prendrons. En premier lieu, quelques hommes se rendront à
minuit au logis de M. Testu, le chevalier du guet, à la couture
Sainte-Catherine. M. Testu est méfiant aussi fera-t-on heurter à sa porte
un archer du Châtelet qui demandera à lui parler de la part du roi. Dès la
porte ouverte, notre troupe montera dans sa chambre et lui mettra le poignard
sur la gorge. Ainsi prisonnier, il conduira nos hommes à la Bastille dont il
est gouverneur et il nous la livrera… Après quoi, on lui coupera la gorge.
L’assistance approuva bruyamment.
— Je prendrai le gouvernement de la
Bastille, intervint Jean Bussy. Nous y mettrons nos ennemis sous bonne garde.
— Nous agirons de la même façon avec M. le
premier Président, M. le Chancelier et
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