Les Rapines Du Duc De Guise
M. le Procureur général, poursuivit
le curé Boucher.
— Nous pillerons leurs biens pour nous
payer de nos efforts, ajouta Le Clerc en pouffant.
— Pour ce qui est de l’Arsenal, nous nous
en assurerons par un fidèle qui est à l’intérieur. Touchant le Grand-Châtelet, les
commissaires et les sergents qui sont à notre ligue feindront d’y mener de nuit
des prisonniers et emporteront la place. M. Louchart en prendra ensuite le
gouvernement à la place de M. Séguier.
» Quant au Palais [12] , il
sera aisé de l’occuper à l’ouverture. Il n’y a alors que peu de gardes. Le
Temple et l’Hôtel de Ville seront saisis de la même façon. Il reste le Louvre, qui
sera le plus malaisé à emporter avec les gardes suisses et les gardes
françaises qui y logent ; sans compter les compagnies de gendarmes et de
gentilshommes. Nous devrons sans doute l’assiéger afin d’affamer ses occupants.
Faudra-t-il ensuite se défaire du roi ? Ce sera au conseil de décider…
— Il faut l’occire ! lâchèrent
quelques voix.
— Non, le roi est sacré ! Il suffit
de l’enfermer dans un monastère, proposa un des participants, appuyé aussitôt
par la majorité de l’assistance.
— Nous verrons cela en temps et en heure,
conclut La Chapelle. Je ne suis pas certain que les opérations soient si
faciles, et pour être honnête, il me paraît bien présomptueux de prendre le
Louvre avec cinq cents bourgeois armés d’épées alors qu’en face les gardes
disposent de mousquets et de canons.
Poulain vit la face de Boucher s’allonger
tandis que Louchart ajoutait :
— Sans compter les quarante-cinq brigands
que M. d’Épernon a mis au service du roi…
— Il est tard, je propose que chacun
rentre à son logis, poursuivit La Chapelle avec un hochement de tête
approbateur. Notre prochaine réunion aura lieu à la Sorbonne et M. Poulain
nous fera part de ce qu’il peut acheter comme armes. Nos relations avec Mgr le
duc de Guise seront comme toujours assurées par le sieur de Mayneville.
» Quelqu’un a-t-il encore quelque chose à
dire ?
— Je pars en chevauchée lundi, pour
quatre jours, intervint Poulain. Je ne pourrai pas m’occuper des armes avant la
fin de la semaine prochaine.
— Il ne vous est pas possible de
repousser cette chevauchée, ou de vous faire remplacer ? demanda M. de La
Chapelle.
— Hélas, non ! J’ai d’ailleurs été
averti par M. Hardy, qui est fort malade, d’aller lundi chercher mes
instructions chez le Grand prévôt de France, avant de gagner Saint-Germain.
— M. de Richelieu ? s’inquiéta
Louchart.
— Oui, il me précisera le territoire de
ma chevauchée et les dernières affaires de brigandages autour de Saint-Germain
dont il aura eu connaissance.
— Vous serez de retour vendredi ?
— Certainement, sauf en cas de poursuite.
— Nous nous reverrons donc ici même, vendredi
soir. Vous nous direz alors ce que vous avez pu faire.
Le lendemain, samedi,
Nicolas Poulain s’était rendu rue de la Heaumerie où se succédaient les
boutiques de cuirassiers, de heaumiers, d’arquebusiers ou de fourbisseurs. Dans
cette ruelle située entre la rue de la Vieille-Monnaie et la rue Saint-Denis
étaient regroupées toutes les échoppes d’armuriers de Paris. La plupart des
maisons avaient pour enseigne des heaumes ou des panneaux représentant saint
Georges en armure d’acier monté sur un cheval caparaçonné de fer. Le bruit
était infernal et la fumée du charbon de bois empoisonnait l’air. Au fond de
chaque courette ou impasse, des forgerons avaient leur atelier où ouvriers et
compagnons martelaient sans cesse lames et plaques de fer ou de cuivre.
En tout, la rue comptait une quarantaine de
maîtres artisans et de forges que Poulain interrogea pour connaître leurs
conditions. Il en conclut que les prix y étaient élevés et qu’il serait plus
judicieux, comme il l’avait pensé, d’acheter des armes à Besançon.
Le dimanche, il l’avait passé en prières à la
messe, puis en méditations, ne répondant qu’évasivement aux questions de sa
femme. La voie dans laquelle il avait décidé de s’engager était dangereuse et
pouvait avoir des conséquences néfastes autant pour lui que pour sa famille. Mais,
profondément religieux [13] , Poulain était persuadé que le Seigneur l’aiderait. Le sermon de son
curé était d’ailleurs venu fort à propos, car le prêtre avait rappelé aux
fidèles la parole de
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