Les Rapines Du Duc De Guise
l’assistance.
» Nicolas, poursuivit-il en s’adressant à
Poulain. Monsieur est le seigneur de Mayneville, qui nous est envoyé par Mgr le
duc de Guise. C’est lui qui m’a appris, ainsi qu’au commissaire Louchart que tu
connais, qu’il y avait plus de dix mille huguenots déjà logés au faubourg
Saint-Germain qui s’apprêtent à couper la gorge à nous autres, bons catholiques,
afin de donner la couronne au roi de Navarre. Il y en aurait autant dans les
autres faubourgs.
Pendant qu’il parlait, Mayneville opinait
gravement. À la fin du discours de Le Clerc, le gentilhomme ajouta :
— La religion catholique est perdue si on
n’y donne prompt secours pour empêcher ce qui se prépare.
— Tout de même, dix mille ! s’étonna
Poulain. On devrait pouvoir les identifier dans les hôtelleries.
— Ils ne logent pas dans les hôtelleries,
monsieur, répliqua Mayneville d’un ton condescendant. Ils sont reçus chez des
amis du roi, chez des gens du conseil, de la cour ou du Parlement. Tous des
politiques qui soutiennent secrètement l’hérétique navarrais. Vous savez comme
moi que le faubourg Saint-Germain est une petite Genève.
Si c’était vrai, songea Poulain avec
inquiétude, la police pouvait effectivement ne rien savoir.
— Comment faire pour empêcher cette
méchante entreprise ? demanda-t-il.
— Les bons catholiques doivent
secrètement prendre les armes. Les ducs de Guise, de Mayenne, d’Aumale, toute
la maison de Lorraine, ainsi que les cardinaux, les évêques, les abbés, et le
clergé de France les soutiendront. Ils auront avec eux le roi d’Espagne, le
prince de Parme et le duc de Savoie.
— Mais est-on bien certain que notre roi
Henri se soit allié avec le Navarrais ? demanda Poulain, qui doutait
malgré tout.
— Il lui a envoyé M. d’Épernon pour
lui porter deux cent mille écus afin de préparer la guerre contre nous, bons
catholiques. Cela ne vous suffit pas ? répliqua sèchement Mayneville. Heureusement
qu’il y a suffisamment d’hommes dans cette ville qui sont prêts à mourir plutôt
que d’endurer un roi hérétique.
— Il n’y a que deux ou trois cents gardes
françaises au Louvre, et à peine autant de Suisses, intervint le curé Boucher. Le
prévôt de l’Hôtel et le chevalier du guet ont peu d’archers, et le prévôt des
maréchaux est vieux et malade. Si les huguenots hérétiques tentaient de nous
massacrer, nous serions assez nombreux pour nous défendre et nous emparer de la
Bastille et de l’Arsenal, peut-être même du Louvre… seulement nous n’avons pas
d’armes.
— Des hommes tels que vous seraient
utiles à notre cause, insista Mayneville. Et sachez que le duc de Guise n’est
pas un ingrat.
— Je vous rejoindrai volontiers s’il ne s’agit
que de nous défendre et de sauver la religion catholique, répondit Poulain, maintenant
convaincu. Mais je refuse de participer à une entreprise contre le roi. Je lui
suis fidèle, et le risque est bien trop grand…
— Tu peux nous croire, promit Jean Bussy
en le prenant fraternellement par l’épaule. Nous ne voulons qu’éviter une
prochaine Saint-Barthélemy. Nous n’entreprendrons rien si le roi reste bon
catholique. Et nous pouvons même te jurer que, si tu étais pris, nous
emploierions tous nos moyens pour te secourir, même par les armes.
— Vous n’avez rien à craindre, confirma M. de Mayneville,
Mgr de Guise a plus de quatre mille hommes en Champagne et en Picardie pour
vous secourir.
Poulain accepta d’un hochement de tête.
— Reviens ici demain à la tombée de la
nuit, je te conduirai à nos amis.
Le lendemain, vendredi
4 janvier, après une nuit passée en réflexions, Poulain s’était à nouveau rendu
au logis de Bussy Le Clerc, avec une lanterne à chandelle de suif. Il s’était
couvert du gros manteau à capuchon qu’il utilisait pour ses chevauchées, car la
neige tombait dru et le froid était vif. Il avait aussi emporté épée et
pistolet.
Michelet et Jean Bussy l’attendaient et ils
partirent pour la rue Saint-Germain-l’Auxerrois. C’est là que logeait, lui
dirent-ils, le sieur de La Chapelle, secrétaire du roi et échevin de la ville. En
chemin, ils lui expliquèrent que les gens qu’il allait rencontrer étaient
avocats, marchands ou officiers du Palais ou du Châtelet, tous membres de la
même union, une confrérie secrète constituée à l’origine par M. de La
Chapelle et ses amis pour défendre la
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