Les Rapines Du Duc De Guise
privée, les
documents liés à sa charge, et enfin les rentes existantes. Ils trouvèrent très
peu de pièces comptables en cours de contrôle, ce qui était surprenant. Quant
au mémoire, ils n’en découvrirent aucune trace.
— Il manque des documents, monsieur, affirma
Le Bègue quand ils eurent terminé. Il y a deux copies de registres de receveurs
que j’avais faites au tribunal de l’élection qui ont disparu, ainsi qu’une
centaine de copies de bordereaux et de quittances de collecteurs remises par M. Séguier
à votre père.
— Et le mémoire…
— Et le mémoire, en effet. Peut-être
votre père l’avait-il déjà donné à M. Séguier ?
— Il manque aussi sa clef de la maison, remarqua
Olivier. Vous aviez bien rassemblé dans la chambre ce qu’il avait sur lui après
sa mort ?
— Oui, monsieur, j’ai tout placé sur la
table, près de son lit.
— Je l’ai cherchée ce matin, et je ne l’ai
pas trouvée. Une cassette contenant une vingtaine d’écus a aussi disparu, les
assassins ont dû la voler. La grille d’entrée est bien abaissée ?
— Oui, monsieur, j’ai vérifié.
— Il faudra changer la serrure si on ne
retrouve pas cette clef. Je comprends le vol de la cassette mais je me demande
pourquoi les assassins ont pris ces registres et ces bordereaux…
Il n’attendait pas de réponse, elle était
inutile. Au fond de lui-même, il devinait la vérité : les visiteurs
assassins étaient venus pour chercher ces papiers.
Un peu plus tard, il réunit la servante et la
cuisinière avec Le Bègue. Il les garderait tous à son service, les rassura-t-il,
mais il ne remplacerait pas Gilles, le valet assassiné. Sans savoir comment il
allait vivre, il ne pouvait prendre d’engagement pour l’avenir. Le Bègue, qui n’aurait
plus de travail comme commis, assurerait l’intendance de la maisonnée. Pour l’instant,
il ne pourrait plus leur donner de gages mais ils seraient nourris et chauffés.
Son père lui laissait une petite rente suffisante.
Nicolas Poulain passa en fin d’après-midi. À
nouveau, Le Bègue le remercia avant de se retirer dans sa chambre.
— Je suis venu pour essayer d’y voir plus
clair dans ce triple crime, expliqua le lieutenant du prévôt, bien que je n’aie
guère de temps pour m’en occuper, car je suis absent de Paris quatre jours par
semaine.
Poulain commença à interroger Olivier sur la
façon dont les assassins avaient pu entrer, et celui-ci lui montra la herse. Le
lieutenant du prévôt l’examina, ainsi que le contrepoids et le système de verrouillage.
C’était un très beau mécanisme qu’il n’avait vu que dans quelques rares
châteaux. Il était bien huilé, en parfait état, et confirmait que M. Hauteville
était un homme méfiant et n’ouvrait certainement qu’à des gens qu’il
connaissait.
Nicolas Poulain interrogea donc Olivier sur
ses proches et apprit que son père connaissait M. de La Chapelle. Celui-ci
lui avait même proposé, au début du mois de décembre, de participer à une
confrérie de défense contre l’hérésie.
— Mon père avait accepté, malgré l’opposition
de Margotte, et moi-même j’avais assuré M. de La Chapelle qu’il
pouvait compter sur moi.
— Pourquoi ?
— Les huguenots préparent une
Saint-Barthélemy des catholiques, monsieur Poulain ! Le père Boucher me l’a
plusieurs fois assuré. Le roi est un nouvel Hérodes qui veut notre mort. L’État
est plein d’ulcères, ses membres sont tous gâtés, poursuivit Olivier avec
fougue. Il faut chasser les mignons, surtout Épernon et Joyeuse, comme cela a
déjà été fait pour ce débauché d’O. Ce sont tous des voleurs !
— Que faut-il faire encore ? demanda
Poulain, qui se maîtrisait pour cacher son irritation.
— Extirper l’hérésie et réunir des États
qui éliront un conseil de vrais catholiques afin qu’il impose son autorité au
roi ! C’est d’ailleurs le sujet de ma thèse : Les écritures
saintes exigent que le roi s’incline devant la loi, s’enflamma Olivier.
— Comme celui qui dirige votre thèse a
souhaité vous faire pendre, il ne doit pas apprécier vos idées tant que ça !
ironisa le policier.
Le jeune Hauteville ne répliqua pas, écartelé
entre ses idées et la dure réalité.
— Croyez-vous à cette Saint-Barthélemy
des catholiques ? demanda encore Poulain.
Olivier resta silencieux, ne sachant que dire.
— Je me souviens encore de cette
boucherie, fit
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