Les Rapines Du Duc De Guise
rien. Dans l’après-midi, il était déjà venu pour repérer la maison de
Cappel. Juste avant celle-ci se trouvait une ruelle qui conduisait à une cour. Il
s’y glissa, éteignit sa lanterne, puis sortit l’arbalète à cranequin que lui
avait confiée O ainsi qu’une longue dague.
Cappel et ses deux valets ne tardèrent pas. Ils
arrivaient par la rue de la Tissanderie. Cubsac entendit leurs pas et sortit de
son cul-de-sac. Avec leur lanterne, il les aperçut à quelques toises tandis que
lui restait invisible. Il se glissa à nouveau dans l’ombre. O et Dimitri ne
devaient pas être loin derrière eux.
Au moment où le groupe passait devant la
ruelle où il était caché, il sortit et les menaça :
— J’ai une arbalète et une épée. Qui
bouge ou crie est mort !
Les valets restèrent pétrifiés, mais Cappel
avait une grande habitude des truands et des guet-apens. Il poussa le
domestique qui tenait la lanterne. Celui-ci s’écroula, sa lumière tomba sur le
pavé et s’éteignit. Dans l’obscurité et la confusion, Cappel détala à toutes
jambes pour se cacher dans un recoin ou un creux de porte.
Visant la cuisse, Cubsac tira avec l’arbalète
au moment où le financier lui tournait le dos. À cette distance, il ne pouvait
le rater et le trésorier de la Ligue chuta, un carreau d’acier planté dans la
jambe.
— Pitié ! pleurnicha un des valets, terrorisé
et persuadé qu’il allait mourir.
Dimitri et O ne tardèrent pas à rejoindre le
groupe. O avait attaché sur son visage le masque de soie dont il avait pris la
précaution de se munir.
Cubsac poussa les valets dans le cul-de-sac, leur
faisant sentir sa dague, et Dimitri le rejoignit pour les surveiller. O s’était
déjà accroupi près de Cappel, espérant que Cubsac ne l’avait pas tué. Il
approcha sa lanterne du blessé.
— Pourquoi avez-vous fui ?
— J’ai mal… qui êtes-vous ? gémit
Cappel, devinant qu’il n’avait pas affaire à de vulgaires truands.
— Disons que je peux vous remettre au
lieutenant civil qui n’aime pas les comploteurs.
— Je ne complote pas…
— Vous serez plus loquace sous les
brodequins, mon ami.
Cappel ne répondit pas.
— Je vous laisse le choix : vous répondez
maintenant à mes questions sans barguigner, et je vous laisse vous faire
soigner. Vous refusez ou vous mentez, et serez remis à l’exécuteur de la haute
justice et roué dans deux jours. Que préférez-vous ?
Qui était cet homme ? se demandait Cappel.
Mentait-il ? N’allait-il pas le tuer s’il parlait ? Et que savait-il
exactement ?
Il décida de répondre… partiellement.
— Que… voulez-vous… savoir ?
— Vous vous dites banquier mais vous n’êtes
qu’un agent de l’Espagne, ne niez pas ! C’est vous qui remettez l’argent
de Philippe II au duc de Guise !
Ainsi ce n’était que cela ? se dit Cappel
avec soulagement. Cet homme ignorait sans doute tout de la sainte union. Si
seules ses activités de banquier au service de Guise et de l’Espagne l’intéressaient,
il pourrait l’égarer…
— C’est vrai, il m’est arrivé de
transmettre des propositions de l’Espagne au duc. Il y a deux ans je lui ai
fait porter trente mille écus [42] … Mais depuis, les Espagnols ne m’ont plus rien donné pour lui.
— Vous mentez ! assura O en appuyant
sur la fléchette d’une main et en étouffant Cappel avec un pan de son manteau.
Il le libéra un bref instant pour qu’il puisse
parler.
— Non… je le jure sur les Évangiles… haleta
le banquier.
— D’où viennent les trois cent mille
livres que Guise a eues pour acheter des troupes ? Je sais que c’est vous
qui les lui avez données ! gronda O. Ma patience a des limites !
— C’est vrai, haleta le banquier, qui
souffrait atrocement. Je lui ai même remis cinq cent mille livres. Mais c’était
de l’argent du roi…
Du roi ? O songea alors à l’intuition d’Henri III.
Se pouvait-il qu’il soit tombé juste ?
— De l’argent rapiné sur les tailles !
affirma le marquis au hasard.
— Vous… le savez ? suffoqua Cappel
tant la douleur était violente.
— Je sais beaucoup de choses, n’essayez
pas de me mentir. Qui vous remet cet argent ?
— Des receveurs des tailles, ou des
collecteurs… Je ne les connais pas… Ils sont… nombreux et, à chaque fois… différents.
Ils… me portent parfois de petites sommes. Seul Guise connaît toute l’entreprise…
c’est lui qui a
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