Les Rapines Du Duc De Guise
avait bien trois
chevrons de gueules avec deux épées nues croisées.
Poulain jeta la lettre dans le feu et la
regarda se consumer, sans dire un mot.
— C’était important ? demanda-t-elle.
Il lui prit affectueusement la main dont les
ongles étaient aussi sales que les siens.
— Il vaut mieux que tu ne saches rien, ma
mie.
Le lendemain matin, il donna un papier cacheté
au jeune commis de son beau-père. Il lui expliqua où était l’hôtel du Grand
prévôt et lui dit qu’il devait remettre ce pli à M. Pasquier. Le cachet de
cire était marqué d’une double croix et le pli contenait ces mots :
Les jésuites de Saint-Paul, après complies.
Nicolas se rendit le
soir même chez les jésuites, s’interrogeant sur les événements à venir. Richelieu
avait-il changé d’avis ? Avait-il finalement décidé d’un coup de force et
d’arrêter tous les conjurés ? Il faudrait être vigilant. En cas d’intervention
des gardes françaises, ceux-ci ne chercheraient guère à savoir s’il était de
leur côté !
Il y eut encore plus de monde que lors de la
réunion précédente. Bien que beaucoup soient masqués, Poulain reconnut
plusieurs procureurs au Châtelet, des huissiers au parlement, et des membres de
la chambre des comptes. Au début de la séance, M. de La Chapelle fit
prêter serment à de nouveaux affidés, puis, dans l’intervention qui suivit, un
commissaire au Châtelet assura que presque tous les conseillers, procureurs, commissaires
et sergents à verge les avaient rejoints. Le curé Boucher prit ensuite la
parole pour déclarer que l’université de Paris était désormais avec eux, ainsi
que l’armée des clercs de la basoche. Son discours fut ponctué d’exclamations
de joie et de congratulations. À son tour, le sergent Michelet assura que plus
de cinq cents mariniers avaient hâte d’en découdre avec les forces du roi. Un
autre vint promettre la fidélité de plus de quinze cents bouchers et
charcutiers de la ville et des faubourgs. À la fin, Louchart intervint pour
annoncer le ralliement de six cents courtiers en chevaux qui avaient promis se
tenir prêts pour empêcher que les huguenots ne coupent la gorge aux catholiques.
Jamais Nicolas Poulain n’aurait pensé que les
idées de la Ligue se propageraient si vite. Malgré son inquiétude, il se força
à manifester, comme les autres, un bruyant enthousiasme.
Avant qu’ils ne se séparent, La Chapelle
annonça que le conseil des Six qui dirigeait leur union avait décidé d’intégrer
en son sein des représentants des seize quartiers de Paris. La sainte union
serait désormais dirigée par un conseil des Seize.
Pendant ce temps,
M. de Cubsac, François d’O et Dimitri s’étaient installés dans un
recoin sombre de la rue Saint-Antoine d’où ils pouvaient voir ceux qui
entraient et sortaient de l’établissement des jésuites. O s’interrogeait sur
cette réunion nocturne. Richelieu lui avait écrit pour lui dire que Cappel y
participerait ce soir, mais il ne savait rien de plus que ce que le Grand
prévôt avait déclaré en présence du roi ; il s’agissait de réunions
secrètes de bourgeois malcontents qui voulaient reconstituer une ligue. Seulement,
ces comploteurs paraissaient bien nombreux et le marquis se promit d’interroger
plus longuement Richelieu à ce sujet.
Le froid était fort vif mais il ne neigeait
pas. Ils étaient pourtant complètement gelés quand ils virent sortir les premiers
conspirateurs. O reconnut Isoard Cappel entouré de deux laquais armés de bâtons
et porteurs de lanternes.
On était entre la nouvelle lune et le premier
quartier, autrement dit l’obscurité était totale. Certes, ils étaient
invisibles du banquier, mais ils n’y voyaient rien eux-mêmes. Aussi, quand les
trois hommes eurent pris un peu d’avance, ils les suivirent, guidés seulement
par leurs lanternes. Pour éviter les obstacles, ils étaient contraints de
marcher au milieu de la rue, parfois dans la rigole d’excréments.
Rue de l’Aigle, à l’extrémité de la rue
Saint-Antoine, Cubsac se sépara d’eux. Dès que le Gascon fut certain que Cappel
ne pouvait plus le voir, il battit le briquet pour allumer une lanterne qu’il
avait emportée avec lui. Puis il remonta le plus vite possible par la rue de la
Verrerie jusqu’à Saint-Merry avant de redescendre la rue des Arcis jusqu’à l’enseigne
de Saint-Sébastien. Sa crainte était de rencontrer le guet bourgeois mais il n’en
fut
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