Les Rapines Du Duc De Guise
rendez-vous. Le père Boucher et le
commissaire Louchart étant membres de la Ligue, je les ai interrogés et j’ai eu
l’impression qu’ils ne voulaient pas que je m’intéresse à ce triple crime. Sur
mon insistance, Louchart a fait libérer le jeune homme qui m’a dit que son père
était chargé de contrôler des registres des tailles de l’élection de Paris à la
demande de M. Antoine Séguier, le contrôleur général des tailles à la surintendance.
Au nom de Séguier, le prévôt et O se
regardèrent, interloqués.
— Vous avez deviné juste, monsieur
Poulain ! Il s’agit bien de la même affaire, déclara lentement François d’O.
M. Antoine Séguier a effectivement été choisi par M. de Bellièvre
pour conduire la vérification des registres de l’élection de Paris.
Le silence se fit à nouveau. Poulain n’avait
pas d’autre suggestion à proposer et Richelieu, qui était plutôt un homme d’action,
attendait les décisions du marquis d’O. Celui-ci méditait. Il tenait maintenant
un solide fil dans cet écheveau inextricable. Il fallait seulement le tirer
avec prudence, pour ne pas le casser.
Au bout d’un moment, il demanda à Poulain :
— Ce Hauteville, pourrait-on lui faire
confiance ?
— C’est un bon catholique, tout comme moi,
et qui aurait peut-être rejoint la Ligue si son père n’avait pas été assassiné.
Désormais, il brûle de le venger.
— Serait-il à même de reprendre les
travaux de son père, si je lui en faisais la demande ?
— Je le pense, il préparait une thèse en
Sorbonne, et le commis qui travaillait avec son père l’aiderait. C’est lui qui
m’a demandé d’intervenir pour aider le fils de son maître. Il m’a tout l’air d’un
honnête homme.
— Ce serait une solution séduisante, déclara
François d’O. Car je ne pourrai rester longtemps à Paris, d’autres obligations
m’attendent à Caen.
— La seule difficulté, monsieur, est que M. Hauteville,
comme beaucoup de bourgeois parisiens n’aime guère le roi… ni vous… Il
pencherait plutôt pour la sainte union !
— Ce peut être un embarras, reconnut le
marquis d’O. Mais dites-lui qu’il faudra bien qu’il choisisse : venger son
père, ou s’allier avec ses assassins. En revanche, s’il accepte de travailler
pour moi et de reprendre les vérifications de son père, ceux qui ont occis M. Hauteville
l’apprendront vite et chercheront à se débarrasser du fils. Vous aurez donc un
rôlet à jouer dans la pièce, monsieur Poulain.
— Lequel, monsieur ?
— Empêcher qu’on ne le tue, comme son
père.
Quelques heures plus
tard, Nicolas Poulain se présentait chez Olivier Hauteville. L’après-midi
touchait à sa fin et le jeune homme avait terminé de trier les affaires de sa
gouvernante. Une partie des vêtements iraient à la cuisinière et à la servante,
les robes iraient à Le Bègue qui avait une sœur. Olivier conserverait les rares
bijoux ; une bague et des boucles d’oreilles qu’il avait rangées avec un
collier appartenant à sa mère. Une chaîne en fait, à laquelle était suspendue
une médaille de la Vierge.
Poulain trouva le jeune homme tout
mélancolique, ne sachant plus de quel côté tourner sa vie.
— C’en est fini avec ma thèse et mes
projets d’avenir, lui dit-il. Je ne reverrai plus le père Boucher tant que je n’aurai
pas éclairci son rôle, et personne ne voudra suivre ma thèse sans son accord. Je
suis trop jeune pour reprendre la charge de mon père, trop jeune aussi pour un
office de magistrat bien que mon père m’ait laissé quelques pécunes. Peut-être
vais-je devenir avocat. Je ne sais pas…
— Un grand seigneur de ma connaissance
souhaite vous rencontrer pour vous proposer d’entrer à son service, lui annonça
alors Poulain. C’est la raison de ma visite.
— Moi ? Mais je ne sais rien faire, monsieur
Poulain ! s’excusa-t-il. D’ailleurs, comment me connaît-il ?
— Soyons amis, Olivier. Jugez-vous que
vous pouvez me faire confiance ?
— À qui d’autre pourrais-je l’accorder si
je vous la refusais ?
— Laissez-moi vous dire ceci, Olivier, ou
plutôt, te dire, car je veux te tutoyer comme le ferait un grand frère. Ton
père a été assassiné par des gens qui ne voulaient pas qu’il découvre une
importante fraude dans la collecte des tailles.
— Savez-vous qui ?
— Tu m’as dit que ton père avait reçu la
visite de M. de La Chapelle qui lui avait
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