Les refuges de pierre
étonnement. Il était membre de la Neuvième Caverne ; pourquoi n’aurait-il
pas chassé avec eux ? Elle fut plus déconcertée par la présence de
Portula. L’amie de Marona la regarda un moment puis rougit et détourna les
yeux.
— Je ne crois pas qu’elle s’attendait à te voir dans ces
vêtements, lui glissa Marthona à voix basse.
Le soleil escaladait la grande voûte bleue et les chasseurs se
mirent rapidement en route, laissant ceux qui ne participaient pas à la chasse.
Comme ils approchaient de la Rivière, les rayons chauds dissipèrent l’humeur
sombre engendrée par la cérémonie ; aux murmures du matin succéda une
conversation au ton plus normal. Ils parlaient de la chasse, sérieux mais
confiants. Leur mission n’était peut-être pas assurée mais le rite familier
avait invoqué l’Esprit du Grand Cerf, il avait attiré l’attention de tous sur
la chasse, et l’apparition sur la paroi du Champ avait renforcé leurs liens
spirituels avec le monde de l’au-delà.
Ayla sentait dans l’air une moiteur provenant de la brume
matinale qui s’élevait de l’eau. Elle tourna la tête sur le côté, retint sa
respiration devant la beauté inattendue d’un phénomène naturel passager. Les
brindilles, les feuilles et les brins d’herbe, éclairés par un rayon de soleil,
étincelaient de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, nées de la réfraction de
la lumière à travers le prisme des gouttelettes. Même la perfection symétrique
d’une toile d’araignée avait pris au piège de ses minces fils collants, au lieu
des proies habituelles, des joyaux d’humidité condensée.
— Jondalar, regarde, dit-elle, attirant l’attention de son
compagnon. Folara s’arrêta elle aussi, puis Willamar.
— Je prends cela pour un signe favorable, dit le Maître du
Troc avec un large sourire.
Là où la rivière s’élargissait, l’eau bouillonnait, cascadait
sur le lit caillouteux mais s’écartait autour des rochers plus gros, qu’elle n’arrivait
pas à entraîner dans sa joyeuse sarabande. Les chasseurs commencèrent à
traverser la Rivière à gué en passant d’une pierre à l’autre. Certaines avaient
été apportées par un courant plus turbulent à une autre saison, d’autres
avaient été jetées dans l’eau lors de chasses précédentes afin de combler les
vides laissés par la nature. Au moment de suivre les autres, Ayla songea à la
chasse et s’arrêta tout à coup.
— Qu’est-ce qu’il y a ? s’inquiéta Jondalar.
— Rien. Je retourne chercher les chevaux. Je rattraperai le
groupe avant qu’il arrive au Rocher des Deux Rivières. Même si nous ne nous
servons pas des chevaux pour chasser, ils nous aideront à rapporter le gibier.
Jondalar approuva d’un hochement de tête.
— C’est une bonne idée. Je viens avec toi. (Il se tourna
vers Willamar.) Peux-tu prévenir Joharran que nous sommes allés chercher les
chevaux ? Nous ne serons pas longs.
— Viens, Loup, dit Ayla en repartant vers la Neuvième
Caverne.
Jondalar emprunta un autre chemin que celui par lequel ils
étaient venus. Au Champ de Rassemblement, au lieu de suivre le sentier escarpé
conduisant à En-Aval puis à la Neuvième Caverne par les corniches, il entraîna
Ayla et Loup dans une piste moins fréquentée et envahie de broussailles, sur la
rive droite de la Rivière, devant les abris de pierre. Selon les méandres que
le cours d’eau dessinait sur la zone inondable, la piste se situait parfois au
bout d’une étendue herbeuse, parfois près de la terrasse.
Tout au long du chemin, d’autres petits sentiers menaient aux
abris, dont un qu’Ayla se rappela avoir pris pour aller se soulager après la
longue réunion sur le Clan. Ce souvenir l’incita à se servir du même lieu pour
le même usage : elle avait souvent envie d’uriner depuis qu’elle était
enceinte. Loup renifla le liquide, qui semblait l’intéresser davantage ces
derniers temps, et elle se demanda s’il pouvait en conclure qu’elle était
grosse.
Les voyant approcher, quelques personnes leur adressèrent des
signes. Jondalar était certain que tous se demandaient pourquoi ils revenaient,
mais il ne répondit pas à leur geste. Ils verraient bien. Au bout de la ligne
de falaises, ils tournèrent dans la Vallée des Bois et Ayla siffla. Loup s’élança
devant eux.
— Tu penses qu’il sait que nous venons chercher Whinney et
Rapide ? dit-elle.
— Sûrement. Je suis toujours étonné par ce
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