Les refuges de pierre
venue.
— Loup peut entrer ? Il ne dérangera rien.
— Je le sais. Nous nous comprenons, lui et moi, je te l’ai
dit, répondit Zelandoni en gardant le rideau écarté pour permettre à l’animal
de suivre Ayla. Il faut réduire en poudre l’ocre rouge que tu m’as rapportée.
Voilà le mortier. (Elle indiqua un bloc de pierre rougie dans lequel des années
d’usage avaient creusé une petite cuvette.) Et voilà la pierre pour écraser.
Jonokol sera bientôt ici et m’aidera à faire un poteau portant l’abelan de
Shevonar. Il est mon acolyte.
— J’ai rencontré un homme de ce nom à la fête de bienvenue,
mais il m’a dit qu’il était artiste.
— Jonokol est artiste, mais c’est aussi mon acolyte. Je
crois qu’il est plus artiste qu’acolyte, cependant. Il ne s’intéresse pas aux
remèdes, ni à la façon de trouver le chemin du Monde des Esprits. Il se
contente de son rang d’acolyte, mais il est encore jeune. Le temps nous dira ce
qu’il en est. Il peut encore se sentir appelé. En attendant, c’est un excellent
artiste et un très bon assistant.
Après une pause, la doniate reprit :
— La plupart des artistes sont aussi Zelandonia. Jonokol l’est
depuis que, tout jeune, il a montré quelque talent.
Ayla était contente d’écraser l’oxyde de fer rouge : c’était
une façon d’aider qui ne nécessitait aucune formation particulière, et le côté
machinal de la besogne lui laissait l’esprit libre. Elle se demanda pourquoi
des artistes comme Jonokol étaient admis si tôt dans la Zelandonia, alors qu’ils
étaient trop jeunes pour en comprendre le sens. Pourquoi les artistes
devaient-ils faire partie de la Zelandonia ?
Pendant qu’elle s’affairait avec le mortier, Jonokol arriva. Il
regarda Ayla, puis le loup, avec surprise. L’animal leva la tête, jeta un coup
d’œil à Ayla, se raidit pour être prêt à bondir si elle le lui ordonnait. Elle
lui adressa un signe voulant dire que l’homme était le bienvenu. Le loup se
détendit mais resta vigilant.
— Ayla est venue nous aider, expliqua Zelandoni. Je crois
savoir que vous vous connaissez.
— Oui, nous nous sommes rencontrés le soir de son arrivée,
dit Jonokol. Salutations, Ayla.
Elle finit de réduire les mottes rouges en poudre fine,
apporta le résultat de son travail à la doniate en espérant que celle-ci lui
confierait une autre tâche, mais il apparut bientôt que Zelandoni et Jonokol
attendaient tous deux qu’elle s’en aille.
Ayla fit signe à Loup et partit. Marthona n’était toujours pas
rentrée chez elle et, en l’absence de Jondalar, Ayla ne savait pas quoi faire.
J’aurais dû rester boire une camomille avec Proleva, pensa-t-elle de nouveau.
Pourquoi ne pas y retourner ? Ayla avait envie d’en savoir davantage sur
cette femme accomplie et admirée de tous. Après tout, elles seraient bientôt
parentes puisque Proleva était la compagne du frère de Jondalar. Je pourrais
même apporter de quoi faire une bonne infusion, se dit-elle, quelque chose avec
des fleurs de tilleul séchées, pour adoucir le breuvage et lui ajouter une
saveur agréable.
15
Ils avaient presque fini de creuser la fosse et n’étaient pas
mécontents d’avoir terminé. Zelandoni avait invoqué pour eux la protection de
la Mère avant qu’ils partent pour le lieu prêt à recevoir le corps de Shevonar,
et ils avaient recouvert leurs mains de poudre d’ocre rouge, mais chacun
tremblait quand même intérieurement en franchissant la barrière tracée par les
poteaux.
Les quatre fossoyeurs portaient des peaux de bêtes informes et
dépourvues de décoration, sortes de couvertures percées en leur milieu pour
laisser passer la tête. Une cagoule masquait leur visage, avec des trous pour
les yeux, mais pas pour la bouche et le nez, ouvertures corporelles qui
auraient invité les Esprits à entrer.
Cette tenue était destinée à cacher leur identité aux Esprits
qui rôdaient peut-être à proximité, en quête d’un corps vivant à investir.
Aucun abelan, aucun symbole ne devait révéler qui violait le site sacré et
dérangeait les Esprits. Les fossoyeurs ne parlaient pas non plus car le simple
son de leur voix aurait pu les trahir. Creuser une fosse mortuaire n’était pas
un travail facile, et Joharran avait estimé qu’étant celui qui avait décidé de
cette chasse malheureuse, il devait faire partie des fossoyeurs. Il avait
choisi pour l’assister ses deux conseillers, Solaban et Rushemar,
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