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Les refuges de pierre

Les refuges de pierre

Titel: Les refuges de pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J. M. Auel
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creuse et l’extension servant de poignée, en la
taillant avec du granité, roche beaucoup plus dure. On l’avait ensuite polie
avec du grès, et décorée de marques symboliques gravées au burin de silex.
Trois mèches reposaient sur le bord de la cuvette, du côté opposé à la poignée,
selon des angles différents ; chacune d’elles avait une extrémité
dépassant de la graisse dans laquelle elle trempait. L’une était formée d’un
lichen qui brûlait rapidement et dégageait une forte chaleur qui faisait fondre
la graisse ; la deuxième était en mousse sèche tordue en une sorte de
tortillon qui donnait une bonne lumière ; la troisième était une bande
séchée de champignon poreux qui absorbait si bien la graisse fondue qu’elle
continuait à brûler même quand la cuvette était vide. La graisse animale
utilisée comme combustible avait été obtenue en mettant des blocs à fondre dans
de l’eau bouillante. Les impuretés tombaient au fond, ne laissant flotter à la
surface qu’un suif blanc et pur, une fois l’eau refroidie. Il brûlait avec une
flamme claire, sans fumée ni suie.
    Ayla regarda autour d’elle et nota avec une certaine
consternation qu’un Zelandoni soufflait une lampe, puis une autre. Bientôt
toutes les lampes furent éteintes, excepté celle du centre. Comme en défi à sa
taille minuscule, elle éclairait d’une chaude lueur dorée les visages des
quatre personnes qui se tenaient la main. Mais, au-delà du cercle de lumière,
une obscurité totale emplissait chaque fissure, chaque fente, chaque trou d’un
noir si profond qu’il en devenait étouffant. Sentant la peur s’insinuer en
elle, Ayla tourna la tête et entrevit une lueur provenant du long couloir.
Certaines des lampes qui avaient éclairé leur chemin devaient être encore
allumées, conclut-elle, et elle lâcha un soupir.
    Elle éprouvait une sensation étrange. La décoction faisait vite
son effet. Ayla avait l’impression que les choses ralentissaient autour d’elle,
ou qu’elle-même accélérait à l’intérieur de son corps. Elle regarda Jondalar,
eut le sentiment curieux de savoir ce qu’il pensait. Elle se tourna ensuite
vers Zelandoni et Mejera, sentit quelque chose aussi, mais moins fort qu’avec
son compagnon, et se demanda si ce n’était pas un effet de son imagination.
    Ayla prit conscience d’une musique : des flûtes, des
tambours, des gens qui chantaient, mais pas avec des mots. Elle ne savait pas
quand cette musique avait commencé ni même d’où elle provenait. Chaque chanteur
soutenait une note unique, ou une série de notes répétitive, jusqu’à être à
bout de souffle, puis reprenait sa respiration et recommençait. La plupart des
chanteurs et des joueurs de tambour répétaient le même motif indéfiniment, mais
quelques chanteurs exceptionnels variaient leur air, comme les joueurs de
flûte. Chacun commençant et finissant à son gré, il était rare que deux
personnes le fissent ensemble. Le résultat était un son continu de tons
enchevêtrés qui changeait quand de nouvelles voix commençaient et que d’autres
finissaient, le tout couvert par des mélodies divergentes. C’était parfois
atonal, parfois harmonique, mais cela composait au total une fugue chantée
étrangement belle et puissante.
    Les trois autres membres du cercle d’Ayla chantaient aussi. La
Première, avec sa riche voix de contralto, variait les tons de manière
mélodique. Mejera avait une voix pure et haute avec laquelle elle émettait une
simple répétition de tons. Jondalar se contentait lui aussi d’une série
répétitive, une mélopée qu’il avait dû perfectionner et dont il était
satisfait. Ayla ne l’avait jamais entendu chanter auparavant, mais il avait une
voix profonde et juste dont elle aimait la sonorité. Elle se demanda pourquoi
il ne chantait pas plus souvent. Ayla songea qu’il lui fallait se joindre aux
autres, mais elle avait essayé de chanter quand elle vivait chez les Mamutoï,
et elle se savait incapable de reproduire un air. Elle n’avait pas appris à
chanter dans son enfance, et il était désormais un peu tard pour commencer. L’un
des hommes se contentait de fredonner d’un ton monocorde, et cela lui rappela l’époque
où elle vivait seule dans sa vallée, la façon dont elle aussi émettait un son
monotone en se balançant d’avant en arrière pour s’endormir. Elle revoyait la
cape de cuir avec laquelle elle avait maintenu son fils contre sa

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