Les refuges de pierre
hanche,
roulée en boule et pressée contre son ventre.
Très doucement, elle se mit à fredonner et à se balancer. La
musique avait quelque chose d’apaisant. Le son de sa voix la détendait, celles
des autres lui donnaient une impression de réconfort, de protection. Il lui fut
plus facile de s’abandonner aux effets du breuvage, qui commençait à avoir une
forte influence sur elle.
Elle perçut très nettement les mains qu’elle tenait. A sa
gauche, celle de la jeune femme était fraîche, humide, d’une docilité confinant
à la mollesse. Ayla pressa la main de Mejera mais ne sentit presque rien en
réponse. Au contraire, la main de droite était chaude, sèche et légèrement
calleuse. Jondalar serrait fermement la main d’Ayla, et elle sentait la pierre
dure qu’ils tenaient ensemble, sensation déconcertante, mais la main de son
compagnon la rassurait.
Bien qu’elle ne pût la voir, elle était certaine d’avoir contre
sa main la facette opale, ce qui signifiait que la crête triangulaire de l’autre
côté se trouvait dans celle de Jondalar. Comme Ayla se concentrait sur cette
pensée, la pierre parut se réchauffer, devenir aussi chaude que leurs corps,
devenir une partie d’eux-mêmes. Ou alors c’étaient eux qui devenaient une
partie de la pierre. Elle se rappela le frisson qui l’avait secouée quand elle
était entrée dans la grotte, le froid qui augmentait à mesure qu’ils
progressaient dans les profondeurs, mais, assise sur la couverture de cuir,
couverte d’un vêtement chaud, elle n’avait plus froid.
La jeune femme porta son attention sur la flamme de la lampe,
qui lui fit penser à la chaleur agréable d’un feu dans un foyer. Elle se
concentra sur ce fragment d’incandescence à l’exclusion de toute autre
chose ; elle regarda la petite langue vaciller et trembler, s’aperçut qu’elle
n’était pas entièrement jaune.
Pour que la flamme reste immobile pendant qu’elle l’observait,
elle retint sa respiration. Le feu minuscule était arrondi au milieu, la partie
jaune vif commençant au bout de la mèche et s’effilant. A l’intérieur du jaune,
une partie plus sombre commençait sous le bout de la mèche et se rétrécissait en
un cône montant à l’intérieur du petit foyer. Sous le jaune, en bas de la
flamme, le feu prenait une teinte bleue.
Ayla n’avait jamais observé la flamme d’une lampe avec une telle
intensité. Lorsqu’elle relâcha sa respiration, le feu chatoyant parut se mettre
à danser au rythme de la musique. Et, tandis qu’il ondulait au-dessus de la
surface luisante du suif fondu, sa lumière se reflétant dans la graisse qui le
nourrissait, la flamme devint plus rayonnante encore. Elle emplit les yeux d’Ayla
de sa douce luminescence jusqu’à ce qu’elle ne vît plus rien d’autre.
Elle se sentit légère, aérienne, insouciante, comme si elle
flottait dans la chaleur de la lumière. Tout devint facile, sans effort. Elle
sourit, rit doucement puis se surprit à regarder Jondalar. Elle songea à la vie
qui avait commencé à croître en elle, et un flot d’amour pour son compagnon l’inonda
soudain. Il ne put s’empêcher de répondre au sourire éblouissant d’Ayla et, en
le voyant sourire, elle se sentit heureuse, aimée. La vie était pleine de joie,
elle voulait partager cela.
Elle tourna vers Mejera une expression radieuse, fut récompensée
en retour par un sourire hésitant, puis regarda Zelandoni et l’inclut dans la
bienfaisance de son bonheur. Dans un coin de son esprit qui semblait s’être éloigné
d’elle, elle observait toute la scène avec tint lucidité étrange.
— Je me prépare à appeler l’élan de Shevonar et à le guider
vers le Monde des Esprits, dit Celle Qui Était la Première. (Sa voix semblait
distante, même à ses propres oreilles.) Après que nous l’aurons aidé, j’essaierai
de trouver l’élan de Thonolan. Ayla et Jondalar devront m’aider. Pensez à la
façon dont il est mort, à l’endroit où reposent ses ossements.
Pour Ayla, les paroles de Zelandoni étaient empreintes d’une
musique qui devenait à chaque instant plus forte et plus complexe. Elle
entendait des sons se répercuter sur les parois tout autour d’elle, et l’énorme
doniate semblait se fondre dans les échos de la mélopée qu’elle chantait. Ayla
la vit fermer les yeux. Lorsqu’elle les rouvrit, elle semblait fixer quelque
chose au loin. Puis ses yeux se révulsèrent, ne montrant plus que leur
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