Les refuges de pierre
blanc,
et se refermèrent tandis que Zelandoni s’affalait sur son siège.
La main de Mejera tremblait et Ayla se demanda si c’était de
peur ou à cause de l’intensité de son émotion. Elle se retourna vers Jondalar,
qui semblait la regarder. Au moment où elle ébauchait un sourire, elle se
rendit compte que lui aussi fixait le vide, que ce n’était pas elle qu’il
voyait, mais quelque chose au loin dans son esprit. Soudain, elle se retrouva à
proximité de sa vallée.
Ayla entendit quelque chose qui lui glaça le sang : le
rugissement assourdissant d’un lion des cavernes – et un cri. Jondalar était avec elle, en elle, semblait-il. Elle sentit la douleur
provoquée par la griffe du lion puis il perdit conscience. Le cœur battant à
se rompre, elle s’arrêta. Elle n’avait pas entendu de voix humaine depuis fort
longtemps, et pourtant elle savait que ce cri émanait d’un être humain et, qui
plus est, d’un être semblable à elle. Elle était trop stupéfaite pour pouvoir
réfléchir. Ce cri l’interpellait : c’était un appel à l’aide.
La présence de Jondalar, maintenant inconscient, n’étant plus
prédominante, elle sentit celle des autres. Zelandoni, lointaine mais
puissante ; Mejera, proche mais vague. Le tout enveloppé par la musique,
les voix et les flûtes, faibles mais réconfortantes, et les tambours, profonds
et sonores.
Elle entendit le grondement du lion des cavernes et entrevit
sa crinière rousse. Puis elle s’aperçut que sa jument n’avait montré aucun
signe de nervosité et comprit pourquoi...
— C’est Bébé, Whinney ! C’est Bébé !
Il y avait deux hommes. Elle repoussa le lion qu’elle avait
élevé et s’agenouilla pour les examiner. En tant que guérisseuse, elle songeait
avant tout à leur porter secours, mais elle était aussi mue par la curiosité.
Elle savait que ces inconnus étaient des hommes, même si c’étaient les premiers
Autres qu’elle se rappelait avoir vus.
Elle comprit aussitôt qu’il n’y avait plus d’espoir pour l’homme
aux cheveux bruns. Il gisait dans une position anormale, la nuque brisée. Elle
ne l’avait jamais vu auparavant, mais sa mort la bouleversa et des larmes
embuèrent ses yeux. Elle avait l’impression d’avoir perdu quelque chose d’inestimable
avant même d’avoir eu la possibilité de l’apprécier. C’était la première fois
qu’elle rencontrait un homme de espèce et il était mort...
Elle aurait voulu honorer sa condition d’être humain en l’enterrant,
mais un examen plus poussé de l’autre homme lui permit de comprendre que c’était
hors de question. L’homme aux cheveux blonds respirait encore, bien que la vie
s’écoulât de lui par une blessure à la jambe. Seul espoir de le sauver :
le ramener à la grotte au plus vite afin de le soigner. Elle n’avait pas le
temps d’enterrer son compagnon.
Ayla demeurait indécise, cependant, car elle répugnait à
abandonner l’homme mort aux lions... Elle remarqua que les rochers au fond du
défilé sans issue avaient l’air instables. Ils s’étaient amoncelés derrière un
gros bloc de pierre qui ne semblait pas très stable, lui non plus. Elle traîna
le mort au fond du défilé, près de l’éboulis...
Après avoir installé l’autre homme sur le travois, elle
retourna à la corniche avec un long et solide épieu. Elle baissa les yeux vers
le mort, éprouva à nouveau de la peine et, avec les gestes cérémonials du Clan,
s’adressa au Monde des Esprits.
Elle avait observé Creb, le vieux Mog-ur, lorsqu’il avait
envoyé l’esprit d’Iza dans le Monde d’Après avec des gestes fluides et
éloquents. Quand elle avait trouvé le corps inanimé de Creb dans la caverne,
après le tremblement de terre, elle avait répété ces gestes sacrés, bien qu’elle
n’en eût jamais compris pleinement le sens. C’était sans importance : elle
savait à quelle fin on les faisait...
Utilisant l’épieu comme un levier, elle libéra le gros bloc
et sauta en arrière tandis qu’une cascade de pierres recouvrait le mort.
Lorsqu’ils approchèrent d’un passage entre des masses
rocheuses déchiquetées, Ayla mit pied à terre et examina le sol, n’y vit aucun
excrément frais. Il n’y avait plus de douleur, le temps avait passé. La
jambe avait guéri, il ne restait de la blessure qu’une grande cicatrice.
Jondalar descendit lui aussi de Whinney et suivit Ayla, bien qu’il n’eût aucune
envie d’être là, elle
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