Les refuges de pierre
sont
ensemble, Laramar et Tremeda se disputent tout le temps. Ça dégénère souvent en
échanges de coups, et invariablement, c’est elle qui a le dessous.
— Pourquoi reste-t-elle avec lui ? Elle pourrait le
quitter.
— Pour aller où ? Sa mère est morte et il n’y a jamais
eu d’homme dans leur foyer. Tremeda avait un frère plus âgé, mais il est parti
avant qu’elle soit grande, d’abord pour une autre Caverne, ensuite plus loin.
Personne n’a de ses nouvelles, depuis des années.
— Elle ne pourrait pas trouver un autre homme ?
suggéra Ayla.
— Qui voudrait d’elle ? Elle réussit à trouver un
homme pour honorer la Mère avec elle lors des fêtes, généralement quelqu’un qui
a pris trop de barma ou de champignons, mais ce n’est certes pas une beauté. Et
elle a six enfants à nourrir.
— Six ? J’en ai vu quatre, peut-être cinq. Quel âge
ont-ils ?
— Bologan est l’aîné. Il doit compter douze années.
— C’est ce que je pensais.
— Lanoga en compte dix. Les autres doivent avoir huit, six
et deux ans. Et puis il y a le bébé, qui n’a que quelques lunes, une demi-année
environ. Tremeda en a eu un autre, qui aurait quatre ans maintenant, mais il
est mort.
— Le bébé mourra aussi, j’en ai peur. Je l’ai examiné, il n’est
pas en bonne santé. Je sais que vous partagez la nourriture, mais que
deviennent les bébés qui ont besoin de lait ? Les femmes Zelandonii sont-elles
prêtes à partager aussi leur lait ?
— S’il s’agissait de quelqu’un d’autre que Tremeda, je n’hésiterais
pas à répondre oui.
— Ce bébé n’est pas Tremeda. C’est un nouveau-né sans
défense. Si j’avais déjà le mien, je partagerais mon lait, mais le temps qu’il
vienne au monde, celui de Tremeda sera peut-être mort. Même quand le tien
naîtra, il sera peut-être trop tard.
Proleva baissa la tête, eut un sourire embarrassé.
— Comment le sais-tu ? Je n’en ai encore parlé à
personne.
Ce fut au tour d’Ayla de se sentir gênée. Elle n’avait pas voulu
se montrer indiscrète. C’était la prérogative de la mère d’annoncer qu’elle
attendait un enfant.
— Je suis une guérisseuse, une femme qui soigne,
expliqua-t-elle. J’ai aidé des femmes à enfanter, je connais les signes de la
grossesse. Je n’avais pas l’intention d’en parler, j’étais juste préoccupée par
le bébé.
— Je sais. Cela ne fait rien. Je m’apprêtais à l’annoncer,
de toute façon, dit Proleva. (Elle se tut, réfléchit.) Voici ce que nous
pourrions faire : je vais réunir les femmes qui ont un nouveau-né ou qui
sont sur le point d’accoucher. Chez elles, la quantité de lait ne s’est pas
encore ajustée aux besoins de l’enfant, elles en ont trop. Toi et moi, nous
essaierons de les convaincre d’aider à nourrir le bébé de Tremeda.
— Si elles sont plusieurs, cela ne prendra que peu à
chacune. Le problème, c’est que ce bébé a besoin d’autre chose que de lait. Il
lui faut quelqu’un pour s’occuper de lui. Comment Tremeda peut-elle laisser un
nourrisson aussi longtemps à une fillette de dix ans ? Sans parler des
autres. C’est trop demander à une enfant de cet âge.
— Lanoga s’occupe mieux d’eux que Tremeda.
— Cela ne veut pas dire que quelqu’un d’aussi jeune doit s’en
charger. Et Laramar ? Pourquoi ne fait-il rien ? Tremeda est sa
compagne, non ? Ce sont les enfants de son foyer, non ?
— Ces questions, nous nous les sommes posées. Nous n’avons
pas de réponse. Beaucoup d’entre nous ont parlé à Laramar, y compris Marthona
et Joharran. Cela n’a rien changé. Laramar se fiche de ce qu’on peut lui dire.
Quoi qu’il fasse, les gens voudront boire de son barma, il le sait. Et Tremeda
n’est pas mieux que lui, à sa façon. Elle est si souvent abrutie par le barma
qu’elle ne se rend même pas compte de ce qui se passe autour d’elle. Ni lui ni
elle ne se soucient des enfants, je ne sais pas pourquoi la Grande Terre Mère
continue à lui en donner. Personne ne sait quoi faire.
Il y avait de l’amertume et de la tristesse dans la voix de la
compagne du chef. Ayla ne détenait pas de réponse, elle non plus, mais elle
savait qu’elle devait agir.
— Nous pouvons au moins parler à ces femmes pour le lait,
dit-elle. Ce serait un début. (Elle remit sa coupe dans sa poche, se leva.) Il
faut que je parte, maintenant.
En sortant de chez Proleva, elle ne se rendit pas
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