Les refuges de pierre
prévenir Zelandoni que
Bologan était blessé.
— Bologan ? Qu’est-ce qu’il a ?
Il y avait cette fois de l’inquiétude dans la voix de Laramar.
Proleva a raison, pensa Ayla, il a un peu d’affection pour l’aîné.
— Il a bu de ton barma et...
— Bu de mon barma ! Où il est ? Je vais lui
apprendre à toucher à mon barma ! tempêta l’ivrogne.
— Pas la peine, quelqu’un s’en est chargé. Il s’est battu,
quelqu’un l’a frappé violemment à la tête, ou bien il est tombé. Lanoga l’a
trouvé chez toi, évanoui, elle a prévenu Zelandoni. C’est chez elle qu’il est
maintenant. Il a perdu beaucoup de sang, mais, avec du repos et des soins, il s’en
sortira. En attendant, il refuse de dire à Joharran qui l’a frappé.
— Je m’en occupe, je sais comment le faire parler.
— Je ne vis pas dans cette Caverne depuis très longtemps,
et je n’ai pas à donner de conseils, mais je pense que tu devrais en discuter d’abord
avec Joharran. Il est furieux, il veut savoir qui a fait cela et pourquoi.
Bologan a eu de la chance de s’en tirer.
— Tu as raison, tu n’as pas à donner de conseils. Je sais
ce que je dois faire.
Ayla garda le silence. Elle ne pouvait rien tenter, excepté en
parler à Joharran. Elle se tourna vers la fillette.
— Viens, Lanoga. Prends la petite Lorala, nous partons,
dit-elle en soulevant son sac mamutoï.
— Vous allez où ?
— Nager et nous laver avant de rencontrer certaines des
femmes qui allaitent ou qui le feront bientôt, pour leur demander une partie de
leur lait. Sais-tu où est Tremeda ? Il faudrait qu’elle nous accompagne.
— Elle n’est pas là ?
— Non. Elle a laissé les enfants à Lanoga, elle n’est pas
rentrée depuis l’enterrement de Shevonar. Au cas où cela t’intéresserait, le
reste des enfants est avec Proleva.
C’était Proleva qui avait suggéré à Ayla de nettoyer un peu
Lanoga et le bébé. Les femmes hésiteraient peut-être à serrer contre elles un
enfant aussi malpropre, de peur de salir leur bébé.
Comme Lanoga prenait Lorala dans ses bras, Ayla fit signe à
Loup, qui observait la scène, tapi derrière un rondin. En voyant l’animal se
redresser, Laramar écarquilla les yeux, recula et adressa à l’étrangère un
sourire hypocrite.
— Il est drôlement gros, cet animal ! Tu es sûre que
ce n’est pas dangereux de le laisser s’approcher des gens comme ça, surtout des
enfants ?
Il se moque bien des enfants, se dit Ayla, décryptant les
messages subtils du corps de l’ivrogne. Il ne cherche qu’à cacher sa peur. D’autres
avaient exprimé une même inquiétude sans pour autant l’offenser, mais il y
avait chez Laramar quelque chose qui éveillait en elle des sentiments négatifs.
Elle n’aimait pas cet homme.
— Loup n’a jamais ne serait-ce que menacé un enfant. La
seule personne à qui il s’en est pris, c’est une femme qui m’avait attaquée,
dit Ayla en le regardant dans les yeux. Loup l’a tuée.
Laramar recula d’un pas de plus, sourit nerveusement.
Ce n’était pas intelligent, se reprocha Ayla en se dirigeant
vers la terrasse avec Lanoga, le bébé et Loup. Pourquoi ai-je dit cela ?
Elle baissa les yeux vers l’animal qui trottait à côté d’elle. Je me suis
conduite comme le meneur de la meute, qui oblige un loup de rang inférieur à
reculer. Laramar médit déjà de moi, je me suis peut-être attiré des ennuis.
En s’engageant dans le sentier qui descendait vers la Rivière,
Ayla proposa de porter un moment le bébé, mais Lanoga refusa et cala Lorala
contre sa hanche. Loup flaira le sol, et Ayla remarqua les traces de sabot que
les chevaux avaient laissées. Elle fut sur le point de les montrer à la
fillette, changea d’avis. Lanoga ne parlait pas beaucoup, il ne servait à rien
de lui imposer une conversation qui la mettrait mal à l’aise.
Elles parvinrent à la Rivière et, tandis qu’elles en longeaient
la berge, Ayla s’arrêta de temps à autre pour examiner une plante. Avec le
bâton à fouir qu’elle portait glissé sous sa ceinture, elle en déterra
quelques-unes avec leurs racines. Lanoga l’observait. Ayla songea à lui en
indiquer les détails caractéristiques pour qu’elle pût les reconnaître, puis
décida d’attendre qu’elle ait vu l’usage qu’on pouvait en faire.
Le cours d’eau qui séparait En-Aval de la Neuvième Caverne
cascadait depuis la terrasse en une chute étroite puis se transformait
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