Les refuges de pierre
façon dont Zelandoni l’avait présentée. Elle était devenue Ayla
des Zelandonii, compagne de Jondalar, c’était ce qui venait en premier, mais
elle avait été Ayla des Mamutoï, et elle gardait avec ce peuple des liens qui
comptaient beaucoup pour elle. Elle était toujours choisie par l’Esprit du Lion
des Cavernes et protégée de l’Ours des Cavernes : elle appréciait que même
son totem et ses relations avec le Clan eussent été gardés.
Lorsqu’elle avait entendu pour la première fois les longues
récitations de noms et liens, Ayla s’était demandée, à part elle, pourquoi les Zelandonii
procédaient à ces présentations quasi interminables. Ils auraient pu simplifier
en donnant seulement les noms usuels : Jondalar, Marthona, Proleva. Mais l’énumération
de ses liens familiers lui avait procuré un tel plaisir qu’elle se félicitait
maintenant de cette coutume d’inclure les références passées. Elle s’était
autrefois considérée comme Ayla d’Aucun Peuple, vivant avec un cheval et un
lion pour toute compagnie. A présent, elle était liée à de nombreuses
personnes, elle était unie à un homme et attendait un enfant.
Une autre pensée fugitive lui vint juste avant qu’elle reporte
son attention sur l’assistance. Elle aurait voulu pouvoir ajouter « mère
de Durc du Clan » à ses noms et liens, mais, compte tenu de l’objet de la
réunion et de ce qui s’était passé le soir de la cérémonie d’union, elle
doutait de pouvoir révéler un jour aux Zelandonii l’existence de son fils.
Le silence se fit quand la Première se plaça au centre de la
hutte.
— Je commencerai en précisant que cette réunion ne changera
rien, prévint-elle. Joplaya et Echozar sont unis ; eux seuls peuvent
mettre fin à leur union. Il m’a cependant semblé percevoir un courant de
rumeurs et de malveillance à leur égard que je trouve indigne. Je ne suis pas
fière d’être la Zelandoni de gens qui se sont montrés aussi cruels envers un
jeune couple qui vient d’entamer sa vie commune. Dalanar et moi avons décidé d’aborder
ce problème de front. Si des Zelandonii ont à se plaindre, qu’ils le fassent
savoir, c’est le moment.
Une partie de l’assistance remua les pieds en évitant de
regarder directement la doniate. A l’évidence, les propos de la Première
avaient suscité une certaine gêne, en particulier chez ceux qui avaient prêté l’oreille
aux ragots ou qui les avaient colportés. Même les chefs temporels et spirituels
n’étaient pas au-dessus de ces faiblesses humaines. Personne ne semblant
souhaiter aborder le sujet, la Première s’apprêtait à passer à l’autre raison
de la réunion.
Sentant que le moment pour lequel il s’était allait passer,
Laramar intervint :
— C’est vrai, non, que la mère d’Echozar était une Tête
Plate ? Zelandoni lui lança un regard où le dédain se conjuguait à l’irritation.
— Il ne l’a jamais nié.
— Ça veut dire qu’il est un enfant d’esprit mêlé, et un
enfant d’esprit mêlé, c’est une abomination. Ça fait de lui une abomination,
riposta-t-il.
— Qui t’a dit qu’un esprit mêlé était une
abomination ? Laramar fronça les sourcils, regarda autour de lui.
— Ben, tout le monde le sait.
— Comment tout le monde le sait-il ?
— Parce que les gens le disent.
— Qui le dit ?
— Tout le monde.
— Si tout le monde disait que le soleil ne se lèvera pas
demain, ce serait vrai ?
— Ça, non. Mais les gens ont toujours dit que c’était une
abomination.
— Je crois me souvenir d’avoir entendu la Zelandonia l’affirmer,
lâcha quelqu’un dans l’assistance.
La Première se tourna pour regarder celle qui venait de parler
et dont elle avait reconnu la voix.
— Soutiendrais-tu, Marona, que la Zelandonia enseigne qu’un
esprit mêlé est une abomination ?
— Oui, répondit la jeune femme sur un ton de défi. Je suis
sûre d’avoir entendu la Zelandonia tenir ce propos.
— Sais-tu que la plus belle des femmes devient laide quand
elle ment ? répliqua la doniate.
Marona rougit, lança à la Première un regard mauvais. Plusieurs
participants se retournèrent pour voir si Zelandoni disait vrai, et
quelques-uns d’entre eux convinrent que l’expression haineuse du visage de la
jeune femme détruisait en partie sa beauté. Détournant les yeux, Marona maugréa
à voix basse :
— Qu’est-ce que tu en sais, vieille outre !
Ses voisins
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