Les refuges de pierre
deux, en fait. Ils avaient dû se battre férocement parce qu’ils étaient
couverts de blessures. L’un était une femelle noire, l’autre un mâle au pelage
gris. J’ai pris d’abord les dents, puis j’ai décidé de sauver aussi ce qui
restait de leur fourrure.
— Et c’est celle du mâle gris qui orne ton sac. Je
comprends, maintenant. Loup a dû se battre contre sa meute. Je savais qu’il
avait trouvé une amie, probablement la femelle noire. Comme il est encore
jeune, il ne devait pas s’accoupler avec elle. Il compte moins de deux ans,
mais ils apprenaient à se connaître. Elle était la femelle de rang inférieur de
la meute locale, ou une louve solitaire.
— Comment le sais-tu ? demanda Tivonan.
— Les loups aiment que les loups ressemblent à des loups.
Ceux qui sortent de l’ordinaire parce qu’ils sont tout noirs, tout blancs ou
mouchetés sont moins bien acceptés. Sauf que des amis mamutoï m’ont raconté que
là où il y a de la neige toute l’année, les loups blancs sont les plus
nombreux. Les bêtes différentes, comme cette femelle noire, occupent souvent le
dernier rang de la meute. Elle avait probablement quitté la sienne pour devenir
une louve solitaire. Les animaux esseulés vivent en général entre les
territoires de deux meutes et, s’ils croisent un autre solitaire, ils essaient
de fonder leur propre meute. Je dirais que les loups de cette région
défendaient leur territoire contre les deux intrus. Et, bien que grand et fort,
Loup était désavantagé. Il ne connaît que les hommes, il n’a pas grandi parmi
les loups, il n’a pas eu de frères ni de sœurs, d’oncles ni de tantes pour lui
apprendre ce qu’il devrait savoir.
— D’où tiens-tu ces connaissances ? dit Lenadar.
— Je les ai observés pendant de nombreuses années. Quand j’ai
appris à chasser, je ne m’en prenais qu’aux mangeurs de viande. J’ai une faveur
à te demander, Lenadar. Accepterais-tu de m’échanger cette peau ? Je crois
que Loup gronde et te menace parce qu’il sent l’odeur de la bête contre
laquelle il s’est battu – l’une d’elles, tout au moins – et
qu’il a probablement tuée. Mais le reste de la meute a tué son amie et a failli
lui faire subir le même sort.
— Je te la donne, répondit le jeune homme. Ce n’est qu’un
méchant morceau de fourrure mal cousu sur mon sac. Je ne veux pas rester dans
les chants et les contes comme celui qui a été attaqué par le loup qui aimait
une femme. Je peux garder les dents ? Elles ont de la valeur.
— Garde-les, mais je te suggère de les laisser tremper
quelques jours dans une infusion légèrement colorée. En outre, pourrais-tu me
montrer où tu as trouvé les loups ?
Après que Lenadar eut remis la dépouille à Ayla, elle la lança
au loup, qui la saisit dans sa gueule, la secoua, chercha à la déchirer. La
scène aurait fait sourire les Zelandonii s’ils n’avaient connu la gravité de
ses blessures et appris que sa compagne avait été tuée. Ils s’identifièrent à l’animal,
lui prêtant les sentiments qu’ils auraient éprouvés en pareille situation.
— Je suis content de ne plus avoir cette peau sur le dos,
murmura Lenadar.
Ayla et lui convinrent de se retrouver plus tard pour se rendre
à l’endroit où il avait découvert les corps : ils avaient tous deux d’autres
projets dans l’immédiat. Ayla ne savait pas au juste ce qu’elle s’attendait à
trouver. Les charognards avaient probablement fait place nette, mais elle
voulait savoir sur quelle distance Loup s’était traîné, grièvement blessé, pour
la rejoindre. Après le départ de Lenadar, elle songea aux chants et contes sur
le loup qui aimait une femme.
Elle avait visité le camp des Conteurs et Musiciens, endroit
animé et haut en couleur. Même leurs vêtements semblaient avoir des teintes
plus vives. Ils ne venaient pas d’un même lieu, ils n’avaient pas d’abri à eux,
ils ne possédaient que leurs tentes et leurs huttes de voyage. Ils allaient d’une
Caverne à l’autre, ils se connaissaient tous et avaient le sentiment d’appartenir
à une même famille. Il y avait toujours des enfants autour d’eux. Comme pendant
le reste de l’année, ils rendaient visite aux Cavernes, mais cette fois dans
leur camp d’été. Ils donnaient aussi des spectacles pour tous les participants
à la Réunion d’Été sur le terrain plat où l’on avait célébré les Matrimoniales.
Ayla savait que les
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