Les refuges de pierre
mon Voyage,
poursuivit-il, c’est que ceux que nous avons toujours traités de Têtes Plates
sont des êtres humains, des êtres intelligents. Ce ne sont pas plus des animaux
que vous et moi. Leurs coutumes sont différentes, leur intelligence aussi,
peut-être, mais elle n’est pas moindre. Simplement différente. Il y a des
choses que nous pouvons faire, et eux pas, mais aussi des choses qu’ils peuvent
faire, et nous pas.
Quand son frère eut terminé, Joharran se leva, exprima ses
préoccupations et souligna la nécessité d’établir de nouveaux rapports avec les
membres du Clan. Enfin, Willamar évoqua la possibilité de faire du troc avec
eux. Il y eut ensuite de nombreuses questions et la discussion se poursuivit
longuement. C’était pour les Zelandonia et les chefs des Cavernes une véritable
révélation. Certains avaient du mal à y croire mais tous écoutaient avec une
grande ouverture d’esprit. Le récit d’Ayla était manifestement vrai ; même
le conteur le plus talentueux n’aurait pu inventer une histoire aussi
convaincante. Elle mettait en lumière le caractère humain des membres du Clan,
même si certains des participants refusaient toujours d’y croire. Rien n’était
résolu mais la discussion avait donné matière à réfléchir.
La Première se leva pour mettre fin à la réunion.
— Je crois que nous avons tous appris des choses
importantes, et je remercie Ayla d’avoir accepté de venir ici et de nous avoir
parlé si librement de ses expériences insolites. Elle nous a permis de voir la
vie d’hommes et de femmes qui peuvent nous paraître étranges mais qui n’ont pas
hésité à recueillir une enfant qu’ils savaient différente et à la traiter comme
l’une des leurs. Il est arrivé à certains d’entre nous d’avoir peur en
apercevant un Tête Plate lors d’une chasse ou d’une cueillette. Il semble que
cette peur soit infondée, si le Clan est disposé à recueillir un Zelandonii égaré.
— Alors, tu crois qu’ils auraient recueilli cette femme de
la Neuvième Caverne qui s’est perdue voilà si longtemps ? demanda la
Zelandoni aux cheveux blancs de la Dix-Neuvième Caverne. Je me souviens qu’elle
était grosse, à son retour. La Mère avait peut-être décidé de lui accorder un
enfant quand elle était chez les Têtes Plates, et d’utiliser l’esprit de l’un d’entre
eux pour...
— Non ! s’écria Brukeval. Ce n’est pas vrai. Ma mère n’était
pas une abomination !
— Tu as raison, répondit Ayla. Ta mère n’était pas une
abomination. C’est précisément ce que nous avons essayé d’expliquer. Un esprit
mêlé n’est pas une abomination.
— Ma mère n’était pas un esprit mêlé ! Voilà pourquoi
elle n’était pas une abomination, rétorqua-t-il.
Il fixait Ayla avec une telle haine qu’elle tourna la tête pour
échapper à la violence de son regard. Puis il sortit, le dos raide d’indignation.
La discussion s’arrêta là, les participants se levèrent et
commencèrent à partir. En sortant, Marona lança à la Première un regard
insolent, et la doniate entendit Laramar dire au Zelandoni de la Cinquième
Caverne et à Madroman, son acolyte :
— Comment ça se fait que le foyer de Jondalar est dans les
premiers, alors ? Ils avaient pris pour excuse que cette femme avait un
rang élevé chez les Mamutoï, le peuple d’où elle dit qu’elle vient, et qu’il ne
fallait pas le rabaisser ici, mais elle ne sait même pas chez quel peuple elle
est née vraiment. Si elle a été élevée par des Têtes Plates, elle est plus Tête
Plate que Mamutoï. C’est quoi, le rang d’un Tête Plate ? Elle aurait dû
être dernière et elle est maintenant parmi les premiers. Je ne trouve pas ça
juste.
Après la longue et éprouvante réunion qui s’était terminée
par un éclat aussi véhément, Ayla se sentit exténuée. Elle supposait qu’il
devait être troublant d’apprendre que des créatures qu’on avait toujours
considérées comme des bêtes étaient en fait des êtres humains capables de
penser et d’aimer. C’était un changement radical, et le changement ne s’opérait
jamais facilement, mais la réaction de Brukeval était déraisonnable, et son
regard si haineux qu’il l’avait effrayée.
Jondalar suggéra une longue chevauchée pour échapper aux autres
après les événements qui avaient conclu la réunion. Ayla fut heureuse de voir
Loup bondir de nouveau près d’eux, sans bandages, bien
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