Les refuges de pierre
femme que je voulais, geignit le jeune
homme en lançant à Ayla un coup d’œil taquin. Si j’étais son compagnon, moi
aussi je laisserais tomber la tente des hommes. Quand je l’ai vue à vos
Matrimoniales, j’ai pensé que c’était la plus belle femme du monde. Tous les
hommes auraient voulu être à ta place, Jondalar.
Timide au début, Matagan avait perdu sa gêne en présence d’Ayla
après avoir appris à la connaître pendant les nombreuses journées qu’elle avait
passées dans la hutte de la Zelandonia pour participer aux soins. Il avait
laissé libre cours à son aisance naturelle, à sa cordialité et à son charme
naissant.
— Écoutez-le, railla la jeune femme en tapotant le
renflement de son corps. Quelle beauté je fais ! Une vieille femme au
ventre plein.
— Ça t’embellit encore. Et j’aime les femmes âgées. J’en
prendrai peut-être une pour compagne un jour si j’en trouve une comme toi.
Jondalar sourit au jeune homme, qui lui rappelait Thonolan. Ce
serait un séducteur plus tard, et il aurait bien besoin de ce charme s’il était
affligé d’une boiterie permanente. Jondalar ne voyait pas d’objection à ce qu’il
s’entraîne un peu sur Ayla, dont il s’était entiché. Lui aussi avait été
amoureux d’une femme plus âgée.
— En plus tu es ma guérisseuse attitrée, ajouta Matagan,
dont l’expression se fit plus sérieuse. J’ai repris plusieurs fois connaissance
quand on me portait sur la litière et j’ai cru rêver quand je t’ai vue :
une magnifique donii venue me conduire à la Grande Mère ! Tu m’as sauvé la
vie, Ayla, et sans toi je n’aurais jamais remarché.
— Je me trouvais là, j’ai fait ce que j’ai pu.
— Peut-être, mais sache que si tu as besoin de quoi que ce
soit... Il baissa les yeux, le visage écarlate, reprit en bredouillant :
— Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n’as qu’à
demander.
— Je me rappelle un temps où je prenais moi aussi Ayla pour
une donii, dit Jondalar afin de dissiper l’embarras du jeune homme. Sais-tu qu’elle
m’a recousu la peau ? Pendant notre Voyage, tout un camp de S’Armunaï
croyait qu’elle était la Mère en personne, une donii vivante venue aider Ses
enfants. C’est peut-être ce qu’elle est, finalement, à voir la façon dont les
hommes tombent amoureux d’elle.
— Jondalar ! protesta Ayla. Arrête de lui bourrer la
tête de bêtises. Et remettons-nous au travail, sinon la Neuvième Caverne
perdra. Je voudrais aussi garder un peu de ce grain pour deux chevaux et peut-être
un poulain. Je suis contente que nous ayons cueilli beaucoup de seigle quand il
était mûr, mais les chevaux préfèrent l’avoine.
Elle regarda dans le panier qu’elle portait accroché à son cou
pour avoir les mains libres, estima la quantité de grains qu’il contenait déjà
puis reprit sa tâche. D’une main, elle saisit une poignée de tiges, de l’autre
elle pressa une pierre ronde un peu en dessous des épis mûrs puis, d’un
mouvement souple, elle tira sur les tiges de manière que la pierre dure fit
tomber les grains dans sa paume. Elle la vida dans le panier et recommença l’opération.
C’était un travail lent et méticuleux, mais assez facile une
fois qu’on avait attrapé le rythme. La pierre permettait d’égrener les tiges
plus efficacement et plus vite. Quand Ayla avait demandé qui en avait eu l’idée,
personne n’avait pu lui répondre : aussi loin que la mémoire des Zelandonii
remontât, ils avaient toujours procédé ainsi.
Tandis que Matagan s’éloignait en claudiquant, Jondalar murmura
à sa compagne :
— Tu as un admirateur fervent à la Cinquième Caverne, et
beaucoup d’autres pensent comme lui. Tu t’es fait beaucoup d’amis à cette
Réunion. La plupart des Zelandonii te considèrent comme une doniate. Ils n’ont
pas l’habitude de voir une guérisseuse qui ne soit pas aussi Zelandoni.
— Matagan est un gentil garçon. La veste à capuche doublée
de fourrure que sa mère a tenu à me donner est superbe, et assez ample pour que
je puisse la porter cet hiver. Elle m’a invitée à leur rendre visite après
notre retour, cet automne. Ne sommes-nous pas passés devant leur abri en venant
ici ?
— Si, il se trouve en aval d’un petit affluent de la
Rivière. Nous y ferons peut-être halte au retour. A propos, j’irai chasser avec
Joharran et plusieurs autres dans quelques jours. Nous resterons peut-être au
loin un moment,
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