Les refuges de pierre
prévint Jondalar en s’efforçant d’adopter un air détaché.
— J’imagine que je ne peux pas vous accompagner ? fit
Ayla d’un ton de regret.
— Je crains que tu ne doives renoncer à la chasse pour
quelque temps. Tu sais toi-même – et l’accident de Matagan l’a encore
prouvé – que la chasse peut-être dangereuse, surtout quand on n’est
pas aussi alerte que d’ordinaire. Lorsque le bébé sera né, tu devras le nourrir
et t’occuper de lui.
— J’ai chassé après la naissance de Durc. L’une des femmes
lui donnait le sein à ma place si je ne rentrais pas à temps pour l’allaiter.
— Tu ne restais pas absente plusieurs jours d’affilée.
— Non, je chassais uniquement de petits animaux avec ma
fronde, reconnut Ayla.
— Ça, tu pourras peut-être le faire, mais sans partir pour
de longues expéditions. De toute façon, je suis ton compagnon, maintenant. Il m’appartient
de m’occuper de toi et de tes enfants. Je m’y suis engagé le jour de notre
union. Si un homme ne pourvoit pas aux besoins de sa compagne et des enfants, à
quoi sert-il ? A quoi servent les hommes si les femmes ont des enfants et
pourvoient aussi à leurs besoins ?
Ayla n’avait jamais entendu Jondalar tenir ces propos. Tous les
hommes réagissent-ils ainsi ? se demanda-t-elle. Ont-ils besoin de justifier
leur existence parce que ce ne sont pas eux qui enfantent ? Elle tenta d’imaginer
ce qu’elle éprouverait si la situation était inverse, si ce n’était pas elle
qui enfantait et si sa contribution se réduisait à subvenir à leurs besoins.
Elle se tourna vers son compagnon.
— Ce bébé ne serait pas en moi si tu n’étais pas là,
déclara-t-elle en posant les mains sur le renflement de son corps. Il est
autant à toi qu’à moi. Sans ton essence, il n’aurait pas commencé à vivre.
— Tu n’en sais rien, repartit-il. C’est ce que tu penses,
mais personne n’est de ton avis, pas même Zelandoni.
Ils se faisaient face au milieu des épis, pas vraiment hostiles
mais animés de certitudes contradictoires. Jondalar remarqua que des mèches
blondes éclaircies par le soleil s’étaient échappées de la lanière en cuir qui
retenait la chevelure d’Ayla et fouettaient son visage dans le vent. Elle était
pieds nus, bras et seins hâlés découverts au-dessus du vêtement de cuir simple
qui enveloppait sa taille et tombait jusqu’aux genoux pour la protéger des
tiges sèches et piquantes. Son regard était résolu, rempli d’un défi presque
rageur, mais elle paraissait en même temps si vulnérable que l’expression de
Jondalar s’adoucit.
— C’est sans importance, de toute façon. Je t’aime, Ayla.
Je veux prendre soin de toi et de ton bébé, dit-il en la prenant dans ses bras.
— Notre bébé, corrigea-t-elle. Notre bébé, Jondalar. Quand
elle se pressa contre lui, il sentit sa poitrine nue, son ventre rond, et fut
content de l’un et de l’autre.
— D’accord, Ayla. Notre bébé. Il avait envie d’y croire.
Une fraîcheur perceptible régnait au-dehors quand ils
sortirent de la hutte. Dans les boqueteaux proches, les feuilles des arbres
avaient viré au jaune ou au rouge ; autour du camp, l’herbe qui n’avait
pas été piétinée était brune, desséchée. Tout le bois mort et toutes les
broussailles sèches de la région avaient brûlé depuis longtemps, et les
bosquets s’étaient considérablement éclaircis.
Jondalar souleva les paquets posés par terre, près de l’ouverture
de la hutte.
— Avec les perches à tirer, les chevaux nous aideront à
rapporter les provisions d’hiver. La saison a été bonne, dit-il à Ayla.
Loup courut vers eux, la langue pendante. L’une de ses oreilles
tombait un peu et avait un bord déchiqueté, ce qui lui donnait un air canaille.
— Je crois qu’il sait que nous partons, dit Ayla. Je suis
heureuse qu’il soit revenu vivre auprès de nous, même s’il a fallu pour cela qu’il
soit grièvement blessé. Il m’aurait manqué. Je suis impatiente de retourner à
la Caverne, mais je me souviendrai toujours de cette Réunion d’Été. La Réunion
où nous nous sommes unis.
— J’y ai pris plaisir moi aussi, cela faisait longtemps que
je n’avais pas participé à une Réunion, mais, maintenant que nous partons, je
suis pressé de rentrer.
Jondalar sourit en songeant à la surprise qui attendait sa
compagne. Elle remarqua un changement dans son expression, un côté mystérieux
dans
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