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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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femme, avait-il dit ? Il esquissa un sourire qui
s’estompa sur sa joue droite, là où l’infâme lettre « S »
apparaissait, marquée au fer rouge. Hernando ! Presque deux ans avaient
passé depuis qu’ils s’étaient quittés au château de Juviles. Pendant tout ce
temps, cet homme avait pensé chaque jour à Hernando : c’était le fils
qu’il n’avait jamais eu… Ému de le voir en vie, il pensa avec orgueil que le
jeune homme avait grandi et que, malgré son aspect déguenillé, il était à
l’évidence devenu un homme. Quel âge avait-il ? Dix-sept ans ? se
demanda Hamid.
    — Francisco ! cria l’alguazil lorsqu’il se rendit
compte de sa présence derrière lui. Va travailler ! Et vous autres aussi,
ajouta-t-il en repoussant les femmes.
    Hamid sursauta et retourna dans la ruelle en boitant,
s’efforçant de retenir ses larmes. Hernando ! Il avait cru qu’il ne le
reverrait jamais… Combien d’autres anciens villageois de Juviles avaient pu
arriver avec ce nouveau groupe ? Il ne les avait pas vus, mais il savait
que dans la ville se trouvaient plusieurs esclaves originaires de Juviles,
capturés avant le pardon accordé par don Juan d’Autriche. Tous les autres
Maures libres établis à Cordoue provenaient de l’Albaicín ou de la vega de
Grenade, débarqués avec les premiers groupes. En silence, il remercia le
Clément d’avoir protégé la vie et la liberté du garçon. Mais qu’arrivait-il à
son épouse ? Elle avait l’air malade, tremblait de manière convulsive.
Hernando devait beaucoup l’aimer car il s’était lancé sans hésiter à sa
défense, se traînant à genoux jusqu’au curé. Il s’arrêta devant la porte d’une
petite échoppe à deux étages et tendit l’oreille. On n’entendait rien à
l’intérieur. Il frappa du revers de la main.
     
    — Tu dois manger.
    Hernando se laissa tomber à côté de Fatima. Aussitôt Brahim
leva les yeux de son écuelle.
    — Laisse-la, grogna-t-il. Ne t’approche…
    — Ferme-la ! Tu veux qu’elle meure ? Tu vas
la laisser mourir et ensuite tu tueras ma mère parce que j’ai essayé de
l’aider ?
    Brahim observa la jeune fille : recroquevillée,
tremblante.
    — Toi, femme, occupe-toi d’elle, ordonna-t-il à Aisha,
qui mangeait en fermant les yeux chaque fois qu’elle portait une cuillerée à sa
bouche. Débrouille-toi pour qu’elle ne meure pas.
    — Tu dois te nourrir, Fatima, murmura Hernando à son
oreille.
    Elle ne répondit pas, ne le regarda pas, continua de
trembler.
    — Je sais que tu souffres à cause d’Humam, mais ne pas
manger ne lui rendra pas la vie. Il nous manque à tous…
    — Laisse-moi faire, le pressa Aisha, debout devant lui.
    Hernando leva ses yeux bleus. Son regard exprimait une
profonde consternation.
    — Laisse-moi faire, répéta-t-elle avec douceur.
    Aisha ne parvint pas plus à faire réagir Fatima. Elle essaya
de la forcer à avaler la soupe, mangeant elle-même le porc au cas où un prêtre
reviendrait, mais à peine réussissait-elle à introduire un peu de liquide ou un
légume dans la bouche de la jeune fille que celle-ci le recrachait aussitôt.
Accroupi, Hernando observait sa mère qui bataillait pour nourrir Fatima ;
il retenait sa respiration quand elle y parvenait, et se désespérait, au point
de frapper la terre avec ses mains, lorsque le corps de la jeune fille rejetait
la nourriture.
    — On dit qu’il y a un hôpital sur la petite place, les
informa une Mauresque qui assistait à la scène avec angoisse.
    Hernando l’interrogea du regard et la femme lui montra la
plaza del Potro ; il partit en courant, mais fut bloqué après quelques
mètres : la foule s’amassait devant ce qui devait être l’entrée de
l’hôpital ; un porche fermé par un double arc en demi-pointe. Il s’avança
tant bien que mal et, sans tenir compte des protestations, se démena pour se
frayer un passage parmi les gens.
    — Je vous ai déjà dit, répétait le chapelain qu’il
réussit à voir, que les quatorze lits de l’hôpital sont occupés et que dans
plus de la moitié d’entre eux il y a déjà deux personnes. Et, en plus, pour
entrer dans l’hôpital, il faut l’ordre du médecin ou du chirurgien. Aucun des
deux n’est ici en ce moment.
    En entendant ces paroles, certains s’avouaient vaincus et
quittaient le porche ; d’autres ne bougeaient pas, montraient leurs
blessures, toussaient ou tendaient les bras en suppliant. Un enfant agonisait
aux

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