Les révoltés de Dieu
pèse sur la planète.
Le texte de la Genèse prétend que ce déluge a été universel.
Et bien d’autres traditions, aussi bien en Asie et en Amérique qu’en Europe, affirment
la même chose. Or, toutes les conclusions scientifiques sur ce sujet sont
concordantes : un recouvrement total de la surface du globe est
rigoureusement impossible. Tout au plus peut-on craindre, si les calottes
glaciaires se mettaient à fondre, l’invasion des zones basses qui, certes, déclencherait
des catastrophes, mais limitées à certaines régions. On sait que de tels
événements se sont réellement produits, à de nombreuses reprises. Il y a
cependant une certitude absolue : un déluge n’a jamais pu être universel, à
moins qu’il ne faille voir dans le récit biblique une réminiscence très vague, inscrite
dans l’inconscient collectif, du chaos primordial, le Tohu Bohu où, selon la Genèse ( I, 2 ), « le souffle d’Élohîm planait sur les
faces des eaux ». Qu’en est-il exactement de toutes ces traditions qui
font d’un déluge à la mode biblique une purification de la Terre, devenue nécessaire du fait de la perversité des existants humains, ce que semblent affirmer tous les
mythes universels ?
Au cours de sa longue histoire, bien avant l’apparition de l’Homme,
notre planète a connu d’innombrables bouleversements géologiques, aussi bien
des surgissements de montagnes et des éruptions volcaniques que des hausses du
niveau des océans. Et il est évident que le déluge biblique, vu sous cet angle
et pour peu qu’on en relativise la portée, n’a rien d’exceptionnel. C’est ce qu’on
en a fait qui est surprenant.
En premier lieu, méditons sur la dernière période glaciaire
du quaternaire, cette fameuse glaciation dite de Würm, il y a quelque vingt
mille ans. À cette époque, l’Europe du Nord, jusqu’au sud de l’Angleterre, était
ensevelie sous un gigantesque « inlandsis », c’est-à-dire un énorme
glacier permanent qui pouvait, par endroits, atteindre trois kilomètres de
hauteur. Il en était de même sur le Grœnland et le Canada, écrasés jusqu’au
nord des actuels États-Unis par une gigantesque calotte glacée. La température,
en Europe, était alors de six à douze degrés en dessous de celle d’aujourd’hui,
et la végétation devait être comparable à celle des plateaux himalayens, sauf
sur la bordure méditerranéenne où se dressaient quelques forêts. Les eaux de l’Atlantique
Nord étaient de dix à quatorze degrés sous les températures actuelles, et
recouvertes en partie par une banquise aux contours indécis. Et surtout, ce qu’il
faut retenir, c’est que le niveau des mers était environ 120 mètres sous le
niveau actuel, ce qui explique que certaines communautés humaines s’étaient
établies dans des zones proches des eaux riches en nourriture (poissons et
coquillages), mais susceptibles d’être inondées en cas de réchauffement.
C’est effectivement ce qui est arrivé, il y a environ quinze
mille ans. Les îles Britanniques faisaient partie du continent, la Manche n’étant
qu’une vallée au milieu de laquelle coulait le Rhin, grossi de son principal
affluent la Seine, tout comme l’archipel du Japon, rattaché à la péninsule
coréenne, ou l’Australie liée à l’Insulinde, tandis que des hordes de chasseurs
pouvaient franchir aisément à pied le détroit de Béring entre la Sibérie et l’Alaska.
La Baltique, à cette période, n’était qu’une vaste plaine marécageuse par
endroits, et la mer Noire un gigantesque lac d’eau douce, comme la mer
Caspienne actuelle. Quant au golfe Persique, c’était une vallée où se ruait un
fleuve résultant de la jonction du Tigre et de l’Euphrate. Tout s’est
transformé lorsque ces énormes glaciers se sont mis à fondre.
Cela ne s’est pas produit brusquement, il faut bien le souligner.
Ces bouleversements se sont étalés sur des millénaires, mais ils n’en ont pas
moins contribué à faire de l’invasion des eaux un douloureux souvenir. Ils ont
même provoqué des ruptures brutales d’équilibre dans certaines régions. Donc, vers
le XIV e millénaire avant notre ère, partout,
par suite de changements climatiques encore bien mystérieux, les glaciers se mettent
à fondre et à glisser sur le socle terrestre, laissant à nu des débris rocheux
(moraines) qu’ils drainent tout en glissant, découvrant des vallées (fjords ou
rias) qu’ils ont creusées et, dans
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