Les révoltés de Dieu
certains sites montagneux, abandonnant leurs
eaux dans des cavités qui forment autant de lacs, marécages et tourbières, comme
on en trouve en Scandinavie, en Irlande et en Écosse. D’autres vallées sont envahies
par les eaux d’une mer qui ne cesse de monter. Cela a aussi des conséquences
incalculables sur la densité saline des mers. Selon les géologues, cette
brutale arrivée d’eau douce perturbe complètement les conditions hydrographiques
locales dans des régions qui connaissaient une régularité constante : ainsi
l’Atlantique va-t-il se trouver confronté à l’antagonisme de deux courants, le
courant froid du Labrador, venu du pôle Nord, et le Gulf
Stream , originaire des Caraïbes et venant réchauffer les côtes de l’Europe
du Nord-Ouest. Ces perturbations ont continué jusque vers 4000 avant notre ère.
Après la fonte des derniers glaciers, les mers et les océans se sont stabilisés
à leur niveau actuel. Ce sont ces bouleversements qui sont à l’origine de
toutes les traditions relatives à un déluge, pris symboliquement comme une
catastrophe universelle, mais en fait limité à des régions bien précises.
C’est le cas de la mer Baltique, autrefois zone basse
lacustre et marécageuse, qui a été envahie par les eaux de l’Atlantique. Les
fouilles archéologiques pratiquées dans les marécages de Scandinavie et d’Allemagne
du Nord ont mis en évidence l’existence d’habitats inondés, et cela jusqu’à la
fin de l’âge du bronze, donc à une période protohistorique relativement récente
(de - 1000 à - 700). Par ailleurs, des investigations récentes en mer
Noire démontrent qu’à un certain moment, la « digue » du Bosphore, qui
séparait la dépression comprise entre la Russie, le Caucase et la Turquie de la
Méditerranée, a brutalement cédé sous la pression des eaux de cette dernière, faisant
d’une ancienne vallée lacustre une mer authentique. On a constaté en effet, grâce
à des sondages et à des découvertes archéologiques sous-marines, qu’il y a à
peu près sept mille cinq cents ans, les rivages de ce grand lac intérieur se
trouvaient à quelque 130 mètres sous le niveau actuel de la mer Noire. On
pense que cette invasion de la Méditerranée a été brutale, s’étendant seulement
sur deux années après la rupture du barrage rocheux que constituait le Bosphore.
Il est incontestable que cette catastrophe a laissé un
souvenir impérissable dans la mémoire collective des peuples, surtout ceux du
Moyen-Orient. Certains anthropologues et de nombreux exégètes non
fondamentalistes de l’Ancien Testament y voient l’origine du mythe du déluge. Pourtant,
il semble bien que ce mythe soit né de conditions climatiques spécifiques à la
Mésopotamie et au golfe Persique. En effet, la brusque montée des eaux
maritimes a dû affecter de façon saisissante la basse vallée du Tigre et de l’Euphrate,
mais en plus, un phénomène géologique et climatique a été reconnu
archéologiquement – et mythologiquement – dans la basse Mésopotamie, région qui,
ne l’oublions pas, est au cœur des problèmes concernant la formation du peuple
hébreu, peuple élu selon la Bible, et incontestable foyer de civilisation.
En effet, on a pu observer que, lorsque le Tigre et l’Euphrate
n’étaient plus, ou insuffisamment alimentés par les sources d’eau douce
jaillies des montagnes qui séparent l’Irak de la Turquie, véritable château d’eau
de cette région, les eaux salées de l’océan Indien remontaient immédiatement
vers les hautes vallées de ces fleuves, stérilisant les terres qu’ils
traversaient par un accès de salinité. Or, cette salinité est une cause de dessèchement
et de brûlure des terres habituellement fécondées par l’eau douce, d’où la
nécessité d’une « régénération » de ces terres devenues stériles. Un
pays qui ne vit que par l’apport des eaux bienfaisantes charriées par des
fleuves venus des montagnes est un pays « mort » lorsque ces sources
se tarissent ou qu’elles sont insuffisantes pour irriguer des terres en
principe fertiles.
C’est à présent une vérité scientifique bien établie. En - 15000,
le golfe Persique était une vallée plus ou moins large, où divaguaient le Tigre
et l’Euphrate avant de se jeter dans l’océan Indien. Le niveau de la mer, au
plus fort de la glaciation de Würm, était 120 mètres plus bas, et le fond
du golfe à 80 mètres sous la surface
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