Les révoltés de Dieu
actuelle des eaux. Le climat était
également différent : sous les latitudes tropicales de l’Arabie, la glaciation
se traduisait par une aridité beaucoup plus importante que celle qu’on peut y
observer aujourd’hui.
C’est vers - 12000 que les terres basses de cette
vallée commencèrent à être envahies par la mer, et cette montée des eaux se
poursuivit jusqu’en - 8000, date où l’on place approximativement l’épanouissement
du néolithique oriental avec l’apparition du palmier dattier et la culture
systématique des céréales et de la vigne. Après une période de stabilité
relative, il semble que cette montée des eaux ait repris plus rapidement pour
atteindre le niveau actuel à la fin du néolithique et au début de l’âge du
bronze, c’est-à-dire aux environs de - 2000. Mais cet accroissement de la
masse maritime a provoqué bien des désastres, et de nombreux villages côtiers
et sans aucun doute, des villes entières ont disparu, plus ou moins brusquement,
selon la nature du terrain. Il est évident que ces désastres ont laissé des
traces dans l’inconscient collectif des populations de ces régions, les
Sumériens en particulier, ce qui se manifeste dans les mythes et les légendes, non
seulement du Moyen-Orient, mais dans bien d’autres régions européennes. Les
récits mythologiques et les contes populaires oraux en témoignent largement :
l’humanité vit sous une constante menace, une « épée de Damoclès »
brandie au-dessus d’elle, qui n’attend qu’un signal des puissances mystérieuses
qui gouvernent le monde pour tomber sur la tête des vivants, humains, animaux
et végétaux sans exception.
Bien souvent, ce danger se présente sous l’aspect d’un « dragon »
ou d’un serpent gigantesque, dont la demeure habituelle est une grotte située
sur le rivage de la mer, d’un étang ou dans des marécages, zones
particulièrement instables où les limites des eaux et de la terre ferme sont
imprécises. Il n’est donc pas étonnant, dans ces conditions, de voir surgir l’image
du Léviathan biblique, ou celle de son équivalent, le Tiamat de la mythologie
mésopotamienne, image dans laquelle on a reconnu, à tort ou à raison, le Satan
hébraïque, celui qui sème le désordre dans un monde organisé par le démiurge.
Un exemple caractéristique est celui de la légende de sainte
Marthe, qui concerne le cours inférieur du Rhône, entre Tarascon et Arles. Selon
Jacques de Voragine qui, dans sa Légende dorée ,
ne fait que reprendre des traditions populaires très anciennes, les pays
voisins du Rhône étaient constamment menacés par un monstre, la « Tarasque »
qui dévorait bêtes et gens et détruisait leurs habitations. Et ce fut sainte
Marthe qui vainquit le monstre et continua, par la suite, à protéger les
habitants de ces pays. Le monstre, cette fameuse Tarasque, personnifie évidemment
le danger que représentent les violentes crues du fleuve, susceptibles d’emporter
tout sur leur passage. Il faut toujours l’intervention d’un héros saint ou
divin pour juguler ces forces destructrices et ramener l’harmonie entre les « eaux
d’en haut » et les « eaux d’en bas ».
Un autre récit développe le même mythe mais n’a pas été
christianisé comme celui de sainte Marthe : c’est celui, d’origine grecque,
qui raconte l’aventure d’Andromède et de Persée. L’histoire est un peu
compliquée et il n’est pas facile de la décrypter entièrement. Persée est le
fils de Danaé et de Zeus, qui s’était présenté à la jeune fille, enfermée dans
une tour d’airain, sous forme d’une pluie d’or [62] . C’est un héros
civilisateur, un héros de lumière comme on dit généralement à propos de Mithra,
d’Hêraklès, de Thésée, ainsi que de l’Irlandais Cûchulainn et du Lancelot des
romans de la Table ronde, doué de pouvoirs quasi surnaturels, dont la faculté
de voler dans les airs. Ayant tué l’horrible Méduse et déjoué les pièges des
Gorgones, il parvient, au lever du jour, au-dessus de l’Éthiopie, et aperçoit, sur
le rivage, Andromède, la fille du roi Kephée, enchaînée à un rocher sur le bord
de la mer. Il descend vers elle et l’interroge sur sa situation. Elle lui
explique alors que, toute fille de roi qu’elle est, elle a été désignée par le
sort pour être dévorée par un monstre marin qui exige, pour épargner les
habitants du royaume, qu’on lui livre chaque année une
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