Les révoltés de Dieu
que cette fable mythologique (qui peut d’ailleurs
être interprétée comme moralisatrice en tant que dénonciation de l’attitude d’un
jeune homme présomptueux mettant en danger l’univers par son orgueil et son incompétence)
est en fait la réminiscence d’un phénomène naturel : une perturbation du
circuit normal de la Terre autour du Soleil ou un renversement de l’axe
terrestre qui aurait bouleversé l’exposition solaire de certaines régions. C’est
probablement cette seconde hypothèse qu’il faut retenir. À moins d’imaginer le
passage d’une comète ou d’une supernova dont la chaleur aurait brûlé la surface
du globe et menacé de détruire toute vie terrestre.
Il est également possible de voir dans la légende de Phaéton,
prélude à celle du déluge, une tache indélébile au plus profond de l’inconscient
humain. C’est alors qu’il faut faire appel à la psychanalyse pour tenter d’y
voir plus clair. Deux disciples de Freud, Otto Rank et Sandor Ferenczi, ont mis
en évidence l’existence dans la mémoire profonde des humains, et peut-être de
tous les existants terrestres, d’un souvenir
douloureux qu’ils appellent le « traumatisme de la naissance ». Il s’agit
du choc extrêmement violent que tout nouveau-né subit lorsqu’il est expulsé du
ventre maternel et qu’il se trouve brutalement en contact avec un monde
extérieur sec , donc agressif, surtout par l’inhalation
d’oxygène qui lui brûle les poumons. D’où le fameux cri, signe officiel de la
naissance, mais cri de souffrance. Et cette souffrance, selon les
psychanalystes, reste gravée à jamais dans la mémoire.
Or, on sait maintenant que toute vie terrestre est le résultat d’une brutale expulsion de
l’ existant primitif de son milieu d’origine, qui
était aquatique. Cette théorie est admise par la presque totalité des
scientifiques : la vie animée s’est d’abord manifestée dans les eaux qui
recouvraient, partiellement sans doute, la surface du globe, cela par une
mystérieuse exposition de molécules inertes à des rayons cosmiques, ce qui
rappelle évidemment le souffle du créateur sur Adam. Suite à un assèchement de
ces eaux (ce qui n’est pas non plus contradictoire avec une lecture réfléchie
de la Genèse), les existants ont dû s’adapter
à un autre environnement que celui qui leur était familier. C’est ainsi qu’à
partir de ces notions à présent difficilement niables Sandor Ferenczi a pu
écrire pour illustrer ses théories sur le bimorphisme sexuel des existants terrestres : « Après l’assèchement,
ce dont il s’agissait dans les premières tentatives d’accouplement des poissons,
c’était de retrouver l’ancienne demeure perdue, humide et riche en nourriture :
la mer. Une catastrophe semblable, mais plus ancienne encore, a pu inciter les
unicellulaires à s’entre-dévorer [86] . » Il ne s’agit
donc pas de « plaisir » mais de « survie » dans un milieu
hostile. « Dans l’acte du coït et dans celui de la fécondation qui s’y
trouve étroitement rattaché, se fusionnent en une seule entité, non seulement
la catastrophe individuelle (naissance) et la dernière des catastrophes de l’espèce,
mais aussi toutes les catastrophes subies depuis l’apparition de la vie [87] . »
Ces réflexions fournissent un tout autre éclairage sur le déluge habituellement
considéré comme une punition divine consécutive à une perversion .
Cette perversion a été
comprise comme étant d’ordre moral alors qu’elle est sans doute matérielle, le
monde ayant perdu, sous l’effet de causes encore inconnues, l’équilibre qui
avait été programmé pour lui. D’où la nécessité d’une remise en ordre. Or tous
ces événements, le déluge et ce qui l’a précédé, sont gravés à jamais dans la
mémoire ancestrale, selon un processus bien particulier. Chaque individu est
unique, mais il appartient à une espèce dont
il est issu. C’est là que l’ ontogenèse complète l’ orthogenèse , c’est-à-dire que l’individu
humain, aussi bien pendant sa gestation qu’au moment de sa naissance, revit
pour son propre compte la gestation et la naissance de l’espèce.
Il faut donc admettre que l’ assèchement qui caractérise la naissance est une catastrophe qui rompt un équilibre
antérieur et risque de provoquer la non-existence .
Un très curieux texte théologique du XVII e siècle,
écrit par un certain père Christophe de Véga,
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