Les révoltés de Dieu
et qui interprète de façon fort
originale la tradition sur sainte Anne, mère de Marie, est encore plus
révélateur. Il prouve en tout cas que des théologiens, qui ne devaient pas être
en odeur de sainteté, se sont un jour posé la question de la cause du déluge.
Voici ce texte : « Au commencement, Dieu créa le
ciel et la terre (Joachim et Anne). Or, la terre était informe et vide (Anne
était stérile). Les ténèbres (l’affliction et la confusion) étaient sur la face
de l’abîme (sur la face d’Anne), et l’Esprit du Seigneur se mouvait sur les
eaux (les eaux des larmes d’Anne, pour la consoler). Et Dieu dit : que la
lumière soit (que soit Marie) !… Et le rassemblement des eaux (le
rassemblement des grâces), Dieu voulut l’appeler Maria, “les mers” (ou Marie) [88] . »
Ici, il s’agit essentiellement de la création primordiale, mais si l’on
projette l’interprétation du Père de Véga sur l’histoire du déluge biblique, on
peut comprendre que le déferlement des eaux est en fait un « rassemblement
des grâces » qui va guérir la Terre de sa stérilité due à l’assèchement
qui, pour des raisons encore bien mystérieuses, a frappé les existants humains.
Et si l’assèchement peut être considéré comme une malédiction,
une punition divine manifestée par des perturbations dans l’harmonie du monde, le
déluge, dans ce contexte, paraît bien être une bénédiction, une régénération
complète d’un univers déséquilibré et stérile voulue par Dieu pour assurer la
pérennité de sa création.
7
-
La tour de Babel
Le mythe biblique de la tour de Babel constitue une évocation
saisissante de deux événements de l’histoire des origines : d’abord l’échec
de la prétention humaine dans sa volonté d’aller plus haut que ne le permettent
ses possibilités, ensuite la confusion des langues, cause essentielle de la
dispersion des peuples et de leur incompréhension, source de conflits
permanents. Il convient pourtant d’apporter des nuances à cette interprétation
superficielle qui, sans être fausse, n’en est pas moins réductrice.
La Genèse présente cet épisode comme le juste châtiment d’une
humanité qui s’est révoltée contre les limites que Dieu lui avait assignées. Mais
quelles limites ? Le texte biblique est confus et très contradictoire si l’on
s’en tient à la lettre. Il faut replacer l’épisode de la tour de Babel dans son
contexte, tel qu’il est exprimé dans le récit.
L’événement se place quelques générations après le déluge. En
concluant un pacte avec Noé, Yahvé a demandé aux rescapés de la catastrophe de
se disperser à travers toute la terre, de la faire fructifier et de se
multiplier ( Gen. IX, 1-3 et 9-16 ). Noé a trois
fils, Sem, Cham et Japhet : ce sont donc eux qui recevront la mission de
repeupler la Terre. L’exégèse classique, quelque peu schématique, et plus
symbolique que réelle, fait de Sem l’ancêtre de tous les Sémites, de Cham celui
des Africains, et de Japhet celui de ceux qu’on appelle maintenant des Indo-Européens.
On remarquera qu’il n’y a ici aucune allusion à ceux qui allaient peupler l’Extrême-Orient.
En fait, tout est beaucoup plus complexe. À cet endroit du récit
biblique se combinent étroitement des éléments issus de la source yahviste et d’autres
appartenant à la tradition sacerdotale. Il est donc indispensable d’en faire
une synthèse. On en arrive à admettre comme descendants de Sem les habitants de
l’ancien Iran (Élam), ceux de l’Assyrie, les Hourrites de la Haute Mésopotamie,
les Lydiens, les Araméens de Syrie, les Sémites du Sud, ou Arabes, tels les
Sabéens, célèbres à cause de la reine de Saba, et, bien entendu, les ancêtres
des Hébreux. Pour ce qui est de la lignée de Cham, on retiendra les Nubiens, les
Éthiopiens du pays de Koush , les Égyptiens ( Misraïm ), les Libyens (pays de Pouth ) et certaines tribus de l’Arabie du Nord, ainsi
que les Cananéens qu’on disait descendants de Canaan, fils de Cham. Les
populations noires d’Afrique ne rentrent pas dans cette catégorie, et il semble
bien que les rédacteurs de la Bible les aient ignorées comme ils ont ignoré
celles de Mongolie, de Chine et du Japon, ainsi que les habitants de tout le
Sud-Est asiatique.
Quant aux peuples issus de Japhet, ils sont innombrables :
les Cimmériens ( Gomer ) de l’Asie Mineure
orientale, les Lydiens de Gygès ( Magog ),
Weitere Kostenlose Bücher