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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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exil ! Il devait,
sans tant languir, revenir en France et rejoindre la reine-mère en Angoulême
pour l’assister de ses avisés conseils. Le lendemain même du jour où il reçut
cet ordre béni de Dieu et bien que les neiges fussent grandes et le froid
extrême, Richelieu partit d’Avignon en poste le huit mars et parvint le
vingt-sept en Angoulême.
    Ce qui se passa du vingt-sept mars au douze mai – date
à laquelle fut signé entre la mère et le fils, en Angoulême, le traité qui
porte le nom de ladite ville –, je le sus, partie par ce que le seigneur
du Tremblay m’en conta et partie par ce dont j’en fus témoin. En effet, le roi
m’adjoignit au cardinal de La Rochefoucauld quand à la onzième heure – un
énorme travail ayant déjà été accompli par Richelieu – Sa Majesté décida
de dépêcher sur place le cardinal pour donner le dernier coup d’épaule au père
de Bérulle et à Monsieur de Béthune qui, depuis plus d’un mois, s’épuisaient en
patients efforts pour traiter avec la reine-mère à des conditions raisonnables.
    L’unique raison pour laquelle j’accompagnai le cardinal (ce
qui ne laissa pas de me ravir, car j’allais me trouver au cœur des choses) fut
qu’il ignorait la langue de Dante et que la connaissant, je pourrais lui être
utile pour percer à jour, et se peut déjouer, les ultimes brouilleries de la camerilla italienne qui entourait la reine-mère.
    Le cardinal qui avait la soixantaine quand il fit ce voyage
par un froid extrême, mais sans se plaindre le moindrement, me témoigna, tout
le temps que je fus avec lui, une bonté qui était due assurément à la naturelle
bénignité de son caractère, mais aussi aux excellents rapports que lui avait
faits sur moi son neveu, le jeune comte de La Rochefoucauld, que j’avais
souvent l’occasion de voir, puisqu’il était auprès du roi le grand maître de sa
garde-robe. Le comte qui était vif, gai et charmant, appartenait à une fort
ancienne famille qui se recommandait, entre autres louables qualités, par une
grande piété, ayant donné au royaume, du onzième au seizième siècle, pas moins
de six évêques. Toutefois, les La Rochefoucauld ne laissèrent pas, comme tant
d’autres, d’être secoués et divisés par la tempête des guerres religieuses. Le
cardinal – qui n’avait pas encore atteint à cette dignité – demeura
dans le giron de l’Église catholique. Mais le troisième comte de La
Rochefoucauld se fit huguenot, choix qui s’avéra fatal, puisque le malheureux
fut traîtreusement et impiteusement mis à mort lors du massacre de la
Saint-Barthélemy. Son petit-fils, François V, mon compagnon et ami,
ressouda la famille en redevenant catholique, et comme on aurait dû s’y
attendre, se montra aussi remarquable par sa fidélité au souverain que son
oncle le fut à son Église, lui rendant de grands services, en particulier en
s’attelant à la réformation des ordres monastiques. Louis aimait prou l’oncle
et le neveu et bien que le comte eût, à la vérité, des qualités fort aimables,
ce fut moins pour les reconnaître que pour récompenser les vertus de sa famille
que Louis, en 1622, éleva le comté de La Rochefoucauld en duché-pairie.
    Richelieu parvint à Angoulême le vingt-sept mars. D’Épernon
en étant le gouverneur, il se présenta de prime à lui, qui le reçut avec une
politesse d’autant plus exacte et cérémonieuse qu’elle recouvrait un accueil
des plus froids. Tout en l’accablant de compliments dont il ne pensait pas la
moitié ni même le quart, le duc le conduisit aux appartements de la reine qui
ne le put recevoir incontinent, car elle tenait conseil. Tant est que Richelieu
dut faire antichambre. Ce qu’il fit avec un visage confiant et serein, sachant
bien qu’il ne pouvait faillir d’être épié, toutes les factions de la petite
cour s’étant unies tout de gob contre lui, tant elles craignaient son génie.
    La seule personne qui lui fit bon visage – et dont le
visage dans sa bonté ne mentait pas – fut Madame de Guercheville qui
régnait sur les demoiselles d’honneur de la reine-mère et dont le lecteur se
ramentoit peut-être qu’elle m’avait naguère grondé pour avoir parlé trop
longtemps et de trop près à Mademoiselle de Fonlebon.
    Arrêtant son carrosse une lieue avant Angoulême, dans une
auberge, Richelieu avait fait quelque toilette avant de se présenter à la
reine-mère, ayant revêtu une soutane violette immaculée.

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