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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Si on avait voulu se
montrer un peu critique, on eût pu remarquer que le nez de Richelieu était un
peu long et portait une bosse en sa partie supérieure qui lui donnait l’air
d’être busqué. En fait, busqué, il ne l’était point car, après la bosse, ledit
nez s’arrangeait pour avoir l’air droit, à tout le moins vu sous certains
angles. Mais comment s’attarder sur l’irrégularité, de reste virile et
vigoureuse, de ce nez, quand on avait en face de soi les grands yeux noirs de
l’évêque, aigus et pétillants.
    Car le charme majeur, ou à tout le moins le plus utile et le
plus persistant, de Richelieu résidait, comme l’avait si bien dit le père
Joseph, dans la vigueur, l’étendue et la rapidité de son esprit.
    Dès qu’un problème surgissait, il en maîtrisait en un
tournemain tous les éléments et il les exposait aussitôt en les distinguant
l’un de l’autre avec une clarté parfaite. Puis, d’une façon méthodique, il
énumérait les solutions possibles et pour chacune d’elles, leurs effets
probables, mais sans dévoiler celle qu’il préférait autrement que par les
avantages supérieurs que son analyse avait révélés. Ainsi, il persuadait sans
avoir à convaincre et son interlocuteur se rangeait à son avis sans éprouver le
sentiment de se soumettre.
    On eût dit, à le voir ce matin-là, que c’était pour lui la
chose la plus naturelle du monde que de faire antichambre et qu’il en était
content. Assis sur une chaire à bras, dans une attitude à la fois pleine de
dignité et d’élégance, il fermait à demi les paupières sur ses magnifiques yeux
noirs et il remuait doucement les lèvres comme s’il priait. En fait, il ne
priait pas. Il répétait en son active cervelle le rôle qu’il allait jouer et
arrondissait déjà les paroles qu’il allait prononcer en ses retrouvailles avec
la reine-mère.
    Il y avait un an presque jour pour jour qu’on l’avait
arraché à elle, ou pour mieux dire, arraché au pouvoir qu’il tenait d’elle et
qui n’était encore que peu de chose, comparé à celui auquel il aspirait. Reconquérir
la reine-mère après cette longue absence était donc la première étape de la
remontée hors de l’abîme où l’exil l’avait plongé. Tant est qu’à cette heure où
on le croyait humilié d’avoir à faire antichambre, il n’en sentait même pas la
blessure, tant il concentrait ses forces sur la tâche qui l’attendait.
    Enfin, Madame de Guercheville apparut. Et sachant qu’elle
était le héraut de sa maîtresse, et non dénuée d’une certaine influence sur
elle, et en outre, qu’elle lui voulait du bien, Richelieu, à son approche, se
leva le plus galamment du monde pour la saluer.
    Madame de Guercheville avait été fort belle en ses vertes
années et sa vertu était devenue du jour au lendemain aussi célèbre que sa
beauté pour la raison qu’elle avait victorieusement résisté aux plus vives
attaques du Vert Galant. Victoire qui lui avait valu les bonnes grâces
éternelles de la reine-mère.
    Le temps qui use tout avait usé quelque peu ses attraits
dont il ne restait que d’assez beaux vestiges, mais elle s’en apercevait à
peine, l’auréole de son exemplaire vertu ayant survécu aux charmes qui avaient
été l’occasion de la mériter. Madame de Guercheville était donc, quoique
vieillissante, une femme heureuse, baignant dans la gloire historique et quasi
proverbiale de sa vertu, la savourant à chaque heure du jour. Et elle ne
manquait jamais, en fait, de faire de petites mines aguichantes aux
gentilshommes de la Cour, à seule fin d’attirer des attentions qu’elle prenait
ensuite tant de plaisir à rebéquer, mais de rebéquer avec grâce et un regret
des plus polis.
    — Monseigneur, dit-elle, suivez-moi, de grâce. Ma
maîtresse vous attend.
    — Madame, dit Richelieu en cheminant à ses côtés, c’est
un plaisir de vous revoir. Vous embellissez tous les jours.
    — Ah ! Monseigneur ! dit Madame de Guercheville
en trottinant à son côté, et en levant la tête vers lui, car il la dépassait
d’une bonne tête, ce n’est point vrai, hélas ! vous me flattez. Tout le
monde vieillit.
    — Nenni, Madame, vous échappez par miracle à cette
méchante règle et bien que, vu mon état, je ne saurais jurer, je vous assure
que je trouve en vous, après un an d’absence, une fraîcheur et un éclat qui me
charment toujours.
    — Mais, Monseigneur, dit Madame de Guercheville en
rougissant

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