Les Roses De La Vie
du Maine, le comte de Soissons, la comtesse-douairière de
Soissons, le duc de Nemours, le duc de Retz, le duc de Montmorency. Paris se
vida en un clin d’œil de la moitié de ses Grands.
Ils gagnèrent leurs gouvernements respectifs, armèrent leurs
villes contre le roi et n’y demeurèrent point, laissant à leurs lieutenants le
soin de défendre les murailles. Et tous, hormis Longueville, coururent
rejoindre la reine-mère à Angers. Il leur fallait, à force forcée, une cour et
ses intrigues, un Conseil et ses cabales, et à défaut d’un roi, une reine à qui
ils pourraient soutirer des pécunes sous le prétexte de lever des troupes pour
la défendre.
Le frère du père Joseph, Monsieur du Tremblay, qui, sur l’ordre
du roi, avait couru chercher Richelieu en Avignon, pour le ramener en Angoulême
lors de la première guerre de la mère et du fils, et l’avait suivi à Angers et,
après le traité qui porte ce nom, prit congé de la reine à la mi-juin et
quelques jours plus tard, parvenant en Paris, me vint voir au Louvre pour
quérir de moi de l’introduire auprès du roi, ayant des nouvelles fraîches à lui
départir sur ce qui se passait en le gouvernement de la reine.
Je connaissais bien Monsieur du Tremblay pour l’avoir encontré
plus d’une fois et l’estimais fort comme un des plus beaux fleurons de notre
noblesse de robe. Je dois dire cependant qu’à chaque fois, sa dissemblance avec
le père Joseph, son frère, m’étonnait. C’était à ne pas croire qu’ils eussent
les mêmes parents. Car le quidam que j’avais devant moi était un grand, gros
homme avec une bedondaine qui n’était pas petite, une face large et rubiconde.
Fort heureux d’être de la terre et n’aspirant à rien d’autre qu’à vivre à
l’aise dans son beau château du Tremblay ; très satisfait de ses revenus
qui n’étaient point que de son domaine, ayant épousé femme bien garnie en
pécunes, laquelle il respectait, mais (sans véritablement courir le cotillon
pour ne pas offenser Dieu) entretenant subrepticement soubrette dans une petite
maison non loin de son hôtel parisien ; point prodigue, ni chiche-face,
charitable mais sans excès, ennemi de la violence et du désordre, catholique,
mais peu favorable au pape, ayant de l’antipathie pour les huguenots mais
n’aspirant point à les éradiquer, respectueux en apparence des Grands et les
déprisant en secret. Et, par-dessus tout, adamantinement loyaliste et servant
le roi de tout cœur en même temps que ses propres intérêts et meshui
véritablement transporté d’aise à l’idée de s’entretenir avec Sa Majesté au bec
à bec, circonstance dont il comptait bien faire des récits à l’infini à ses
enfants et petits-enfants ; de reste, aimant fort sa famille qui était
grande et en particulier son frère le capucin dont il admirait les vertus sans
songer à les imiter : bien assuré que grâce à lui, il aurait, le moment
venu, sa place au ciel, mais peu pressé d’aller la remplir, ayant sur cette
terre qui le traitait si bien ses douces habitudes.
Il me fit de grands compliments, suivis de grandissimes
remerciements touchant la façon dont j’avais reçu et accommodé le père Joseph,
espérant que je voudrais bien agir de même pour lui, s’agissant du bien de
l’État. Et pour ce qu’il entendit bien, ne faillant pas en finesse, que j’étais
fort curieux d’apprendre ce qui se passait présentement à Angers et n’osais le
lui demander qu’à demi-mot afin que je ne parusse pas en avoir la primeur avant
le roi, il fut assez bon pour m’en faire un récit que j’ouïs à oreilles
décloses.
— Et comment, dis-je d’un ton négligent, vont les
choses en Angers ?
Ce fut là le petit hameçon que de son plein gré il goba.
— Mal. Elles n’allaient point trop bien avant, mais
elles ont beaucoup empiré avec l’arrivée des Grands qui, soit dit en passant,
mettent à mal les finances de la pauvre reine-mère. Le duc de Vendôme fait
figure d’étalon dans ce haras. Vous n’ignorez pas qu’il a de grandes
prétentions. Parce que Henri avait signé une promesse de mariage à Gabrielle
d’Estrées, il tient qu’il devrait régner en lieu et place de Louis, lequel, il
souligne, est de sept ans son cadet. C’est-à-dire qu’il croit, ou veut croire,
qu’une promesse de mariage, même si elle n’est pas suivie d’effet, prime sur le
mariage subséquent d’Henri IV avec Marie de Médicis, et l’emporte
Weitere Kostenlose Bücher