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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’amour, tant
la pauvre petite reine fut touchée par les marques de tendresse que Louis, en
son intempérie, lui avait prodiguées. Il est bien vrai qu’elle fut dans le
ravissement à voir Louis non plus cuirassé de froidure et de majesté, mais tel
qu’il était en son fond, sensible, aimant, et saisi de terreur à l’idée de la
perdre. Anne en conçut une vive gratitude et, femme de primesaut qu’elle était,
elle fit ce qu’aucune princesse espagnole n’avait fait avant elle : dès
qu’elle en eut la force, elle se saisit des mains de son mari et les baisa à la
fureur.
    Une fête avait vu éclore la maladie de la reine, et une
autre fête célébra sa guérison. Cette fois, ce ne fut pas un ballet joué à la
Cour, mais un carrousel donné Place Royale, en présence des Parisiens, lesquels
étaient accourus par milliers. Ce mois de mai était fort beau et le soleil
faisait chatoyer les vertugadins sur l’estrade où la reine et ses dames avaient
pris place. Il y eut, pour finir, une course à l’anneau que Louis gagna, ayant
enlevé trois bagues. Il allait sans dire que le roi ne pouvait qu’il ne gagnât.
Mais Henri IV, à l’ordinaire, l’emportait avec deux bagues et Louis, avec
trois bagues, eût été difficilement vaincu, même par les meilleurs concurrents.
    Démontant de son cheval, le roi eut la gentillesse de
remercier Monsieur de Pluvinel qui avait été pour lui, et pour tout ce qui
comptait de haute noblesse, un maître ès armes et un maître en équitation.
    — Sire, dit Pluvinel, la reine vous attend. Plaise à
vous de me suivre.
    Dès que le roi, ayant gravi les degrés de l’estrade, pénétra
dans la loge de la reine, celle-ci se mit debout, se génuflexa à ses pieds et,
se relevant rougissante, lui fit présent d’une bague en or ornée d’un diamant
magnifique. Louis fit alors une chose que personne n’eût attendue de sa
pudibonderie, ni de son apparente froideur. Il prit la reine dans ses bras et,
au vu et aux yeux de tous, l’embrassa à la fureur, ce qui valut au couple royal
d’être acclamé et par les gens de cour et par les milliers de Parisiens qui se
trouvaient là.
    Encore que tous les Grands eussent été bien navrés de ne
point assister à ce carrousel, leur complot contre le roi n’en discontinuait
pas pour autant. Et plus il durait – sans la moindre précaution de secret
ou de discrétion –, plus les Grands commençaient à craindre qu’ils n’aient
été trahis par l’un des leurs. De son côté, le roi, comme j’ai dit, était au
courant de tout, mais comment pouvait-il réagir sans un commencement
d’exécution, c’est-à-dire sans que les Grands, omettant d’en quérir de lui la
permission, quittassent la Cour pour gagner leurs gouvernements respectifs.
    Louis n’était pas moins au fait de ce qui se passait à
Angers chez la reine-mère où le parti de la guerre de jour en jour progressait.
Le roi qui avait, après la guérison de la reine, commandé et payé rubis sur
ongle les deux statues d’or massif pour Notre-Dame de Lorette et Notre-Dame de
Liesse, n’ignorait pas que le principal grief de la reine-mère contre lui
touchait les six cent mille livres promises par le traité d’Angers. Mais à vrai
dire, comment eût-il pu les lui verser sans redouter qu’elle employât cet or à
lever des troupes contre lui ?…
    À la Cour, le roi continuait à recevoir les Grands avec la
même impénétrable courtoisie et, chose curieuse, cette impassibilité qui leur
était pourtant bien connue finit par leur donner des soupçons et des ombrages.
Ce chattemite, murmuraient-ils, ne leur disait rien qui valût. Plus il se
taisait, plus son silence parlait pour lui. En leurs nuits maintenant
désommeillées, il leur parut impossible qu’il ne sût rien de leurs menées et
pratiques, et à force de craindre d’être découverts, ils en vinrent à redouter
qu’on les arrêtât. Ils se voyaient au Louvre ou chez eux, tout soudain,
entourés par Praslin et ses soldats, déchus de leurs honneurs et gouvernements,
leurs pensions supprimées, leurs domaines et châteaux confisqués, eux-mêmes
embastillés comme le comte d’Auvergne, et pendant une douzaine d’interminables
années, y perdant le meilleur de leur âge.
    Ce fut un vent de panique. Le duc de Vendôme et le duc de
Longueville partirent les premiers sans avoir averti personne. Dès que leur
département fut connu, les comploteurs suivirent comme moutons de
Panurge : le duc

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