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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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embellissaient ma
croix et l’un d’eux, un riche laboureur qui avait vu à Dreux le comte de
Soissons, lequel était gouverneur du Perche, déclara en français que
« l’aut’ comte à Dreux n’avions pas une tant belle croix. Pardienne, il
n’avions même pas de croix du tout, tout cousin qu’il soye du rey, à c’qu’on
dit ! » Phrase qui, traduite en la parladure du pays et de bec à
oreille répétée, fit beaucoup plus que mes vertus pour le croît dans mon
domaine de ma bonne renommée.
    Pour en revenir à la réception solennelle des Chevaliers du
Saint-Esprit à Saint-Germain-en-Laye, le premier janvier 1620, et les
splendides fêtes qui s’y donnèrent alors, elles finirent, par malheur, comme
celles qui les avaient précédées, lors du mariage de Chrétienne avec le prince
de Savoie, sur une note de tristesse et d’anxiété. Anne d’Autriche tomba tout
soudain malade.
    Pendant qu’était représenté le ballet qui fut donné à cette
occasion, on ne laissa pas d’observer que son visage était blême, creusé et
portait une expression de souffrance. Louis, qui était assis à côté d’elle,
observant son état, se pencha plusieurs fois à son oreille d’un air déquiété,
se peut pour lui conseiller de se retirer. Mais par ses branlements de tête, on
entendit bien qu’elle n’y consentait pas, considérant de son devoir de demeurer
jusqu’au bout afin que le ballet ne fût pas, par sa faute, interrompu. Quand
enfin il parvint à son terme, elle se leva, mais parut si chancelante que Louis
d’une part, et Madame de Luynes de l’autre, durent la soutenir de prime et dans
la suite quasiment la porter pour gagner sa chambre, car elle pâma sur le
chemin et ne revint à elle qu’une fois couchée. La fièvre la faisait trembler
de tous ses membres.
    On appela les médecins et ils disputèrent un bon moment,
faillant à déterminer dans laquelle de leurs catégories il fallait classer
cette fièvre-là. Ne pouvant s’accorder, ils renoncèrent à nommer la maladie et
entreprirent de la guérir par des pilules, la diète et la saignée. Je ne
manquai pas de le rapporter à mon père qui courut aussitôt supplier Héroard de
remontrer au roi que la saignée – charlatanerie italienne fort à la mode,
mais à laquelle ils étaient tous deux hostiles comme, de reste, l’école de
médecine de Montpellier qui les avait instruits – ne ferait qu’affaiblir
la malade dans le même temps où elle serait affamée par la diète rigoureuse
qu’on lui prescrivait. À cette diète, comme Ambroise Paré, mon père était
également hostile.
    Mais Héroard pensa sortir de son rollet en affrontant les
médecins de la reine et la pauvrette eût, à coup sûr, couru les plus grands
périls, si elle n’avait pas refusé tous les remèdes pour la raison qu’elle
n’avait fiance qu’en son médecin espagnol, lequel on lui avait ôté, peu de
temps après lui avoir ôté ses dames.
    La Cour fut plongée dans le plus grand étonnement, quand
elle vit Louis dépouiller en cette occurrence son impassibilité et verser des
torrents de larmes tandis qu’assis nuit et jour au chevet de la pauvrette, il
ne la quittait pas des yeux, à’steure priant et à’steure suppliant Anne de
prendre les remèdes prescrits. Je ne laissai pas d’observer que toutes ses
oraisons s’adressaient non au Seigneur, mais à la Vierge Marie, sans doute
parce qu’il pensait qu’étant femme, elle était mieux placée pour intercéder en
faveur de la sienne. Je l’ouïs faire un vœu à Notre-Dame de Lorette, lui
promettant, si son épouse guérissait, une statue en or massif à son effigie et
une lampe à huile également en or, pour l’éclairer jour et nuit. Et s’avisant,
le lendemain, que Notre-Dame de Lorette n’était peut-être pas assez forte à
elle seule pour arracher Anne à la mort, il adressa le même vœu et fit la même
promesse à Notre-Dame de Liesse.
    La face non plus imperscrutable, mais toute chaffourrée de
larmes et les yeux rouges d’avoir tant pleuré et veillé, mon pauvre roi dut
attendre seize mortels jours avant que ses promesses fussent entendues. Et en
effet, le seizième jour, la fièvre tomba et Anne, après avoir pris quelque
nourriture, parut renaître à la vie.
    Mon père, se ramentevant de son huguenoterie, prétendait
qu’il y avait quelque chose de païen dans ces promesses de dons somptueux à la
divinité et argua que cette guérison fut avant tout un miracle de

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