Les Roses De La Vie
ire
vengeresse qu’elle chérissait et entretenait, parce qu’elle donnait un sens à
sa vie désoccupée, se mit à prêcher urbi et orbi la rébellion contre
Louis en vibrants échos aux libelles accusateurs que la reine-mère, dans le
même temps, répandait dans le royaume. À Marie la comtesse donnait tout à plein
raison. Mauvais fils, mauvais roi ! La chose crevait les yeux ! Tous
les Grands, opinait-elle, se trouvaient insultés par l’écorne que l’affaire de
la serviette avait fait subir à son fils. Il était temps, grand temps qu’ils
ôtassent du trône ce roi qui les méprisait et ses abominables favoris :
Luynes, cet homme de rien et Condé, le fils d’un page scélérat.
La passion donnait à la comtesse de l’éloquence et là où
elle ne pouvait convaincre, elle charmait par sa beauté. Les résultats ne
faillirent pas à répondre à ses passionnés efforts, tant était fertile le
terreau où elle semait la zizanie. Elle persuada son beau-fils, le duc du
Maine, et après lui le duc de Longueville, le duc de Vendôme, le duc de Retz,
le duc de Montmorency et, bien sûr, le duc d’Épernon qui ne demandait qu’à
courir une nouvelle aventure, si mal que la précédente se fût terminée pour
lui.
Chose beaucoup plus redoutable pour le pouvoir royal que cet
amas de ducs, les huguenots, le duc de Rohan à leur tête, se mirent de la
partie. Et pour parler à la franche marguerite, ils étaient les seuls qui y
eussent quelque excuse : la politique de laissez-faire adoptée par le
Conseil du roi à l’égard des Habsbourg dans leur affrontement avec les princes
protestants d’Allemagne inspirait aux protestants français les plus mortelles
inquiétudes.
Pour en revenir aux Grands, fols et légers comme ils
l’étaient presque toujours, ils ne cachaient pas davantage leur complot contre
le pouvoir qu’ils ne l’avaient fait en 1617, et ils ne se pressaient pas
davantage de le mettre à exécution, étant retenus à Paris, qui par un procès,
qui par ses amours, qui par ses intérêts et tous par les fêtes brillantes qu’on
donnait au Louvre et dans les châteaux royaux. Je sus par les demi-mots de
Fogacer que le roi, Luynes et Déagéant savaient parfaitement ce qu’il en était,
étant jour après jour renseignés par un des comploteurs, lequel, nourrissant
quelque doute sur la façon dont les choses tourneraient, s’arrangeait pour
profiter de leur succès éventuel sans pâtir de leur possible échec.
Au moment de ce qu’on appela la « drôlerie » des
Ponts de Cé, la désertion subite, inexplicable et scandaleuse du duc de Retz et
de sa petite armée avant même que le combat commençât, me donna à penser que
c’était lui, le Machiavel. Il faut dire que le duc aurait eu de grandes
facilités à jouer ce rôle, personne ne pouvant trouver étrange qu’il visitât
quotidiennement le cardinal de Retz, et le cardinal, pour sa part, étant en
constant et confiant commerce avec le roi.
*
* *
Une des fêtes brillantes dont j’ai parlé plus haut fut
donnée le premier janvier 1620 à Saint-Germain-en-Laye en l’honneur des
nouveaux promus dans l’ordre des Chevaliers du Saint-Esprit. Je fus l’un d’eux
et en conçus une joie extrême, non seulement parce que le roi récompensait
derechef ma fidélité, mais parce que, avec une délicatesse des plus touchantes,
Louis m’avait permis d’entrer dans un ordre où mon père figurait déjà, y ayant
été introduit par Henri IV. Je reçus beaucoup de lettres à cette occasion,
mais celle qui me titilla le plus fort fut celle du curé Séraphin, lequel me
priait, en termes naïfs, de porter ma croix de Chevalier du Saint-Esprit le
dimanche à la messe, lors de mon prochain séjour à Orbieu. Ce que je fis, sans
me douter qu’elle fournirait au curé l’unique sujet de son prône, dans lequel
il fit de mes vertus un éloge tel et si grand que, s’il avait été pape, j’eusse
pu espérer être de mon vivant canonisé. Ma parentèle de Montfort-l’Amaury, du
Chêne Rogneux et de La Surie assistait à ce prêche, ainsi que Monsieur de
Saint-Clair et, au second rang, j’aperçus Louison dont l’œil connivent
encontrant le mien me remit opportunément en ma remembrance mes terrestres
imperfections.
Je ne sais si malgré les efforts du curé Séraphin mes
manants entendirent bien le quoi et le qu’est-ce de l’ordre des Chevaliers du
Saint-Esprit, mais ils admirèrent l’or et les diamants qui
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